Depuis plus de 70 ans il n’avait pas été consacré à Madagascar une exposition présentant son visage et sa dimension culturelle et artistique ! Le Musée du Quai Branly comble cette lacune en nous exposant plus de 360 œuvres et pièces qui nous donnent à découvrir un art riche, fait d’une mosaïque d’apports et nourrit de son histoire et de ses habitants. Une vraie découverte !
Posté le 1er octobre ➡ À voir jusqu’au 1er janvier 2019
Vatomandry, pêcheur, 2013 © Pierrot Men
Amulette de protection contre les balles, Bara Imamono © Musée du Quai Branly - Jacques Chirac / Ph.: Th. Ollivier

Amulette Mohara protecteur, ethnie Sakalava © Musée du Quai Branly - Jacques Chirac / Ph.: Cl. Germain

Ornement de circoncision, ethnie Mérina © Musée du Quai Branly - Jacques Chirac / Ph.: Cl. Germain

Amulette protectrice, ethnie Bara © Musée du Quai Branly - Jacques Chirac / Ph.: Cl. Germain

Poteau funéraire, ethnie Sakalava © Musée du Quai Branly - Jacques Chirac / Ph.: Cl. Germain

Poteaux funéraires, vue in-situ de l'exposition © Musée du Quai Branly - Jacques Chirac / Ph.: D.R.

Tiens, c’est vrai si on parlait de Madagascar et plus précisément de son art. La « grande île » est un peu l’oubliée, sur ce plan du moins, et Stéphane Martin qui préside aux destinées du musée, de nous rappeler en préambule que, depuis 1946 et l’exposition Ethnographie de Madagascar présentée au musée de l’Homme, aucune exposition ne s’était penchée sur cet aspect de Madagascar, une île dont pourtant la surface est légèrement plus grande que celle de la France ! Une île et un peuple qui ont atteint leur indépendance en 1960 après avoir été sous administration française depuis 1896.
On y découvre donc, au travers de près de 360 œuvres (photos, objets du quotidien, cartes, masques, sculptures, étoffes…) , l’art et l’artisanat de cette île avec, comme souvent, des œuvres qui mélangent le spirituel au temporel et qui s’inscrivent profondément, comme toujours serait-on tenté de dire, dans l’histoire des peuples qui composent la mosaïque de cette terre malgré tout peu connue. Et pour nous faire partager le quotidien de l’île, l’exposition s’ouvre avec une présentation de photos dues à Pierrot Men, photographe malgache, qui nous introduit dans son île et surtout ses habitants. Une immersion bienvenue pour entamer le voyage.
Un peu d‘histoire pour situer le contexte. Si Madagascar fut découverte par les Européens en 1500, son histoire, plus ancienne, commence avec l’établissement de populations venues d’Afrique et d’Austronésie. Les recherches récentes laissent supposer une occupation humaine dans le nord de l’île il y a plus de 4000 ans et au sud-ouest il y a 3000 ans. L’arrivée de populations austronésiennes se déroule entre le 5ème et le 8ème siècle, apportant le riz, l’igname et le cocotier ; les premières installations sur les côtes malgaches sont attestées au 9ème siècle. La période suivante, entre le 10ème et le 13ème siècle, est marquée à la fois par de nouvelles vagues de migrations et par un processus de sédentarisation jusqu’à l’intérieur de l’île. Venue d’Afrique de l’est et des Comores, la culture swahili, présente depuis le 8ème siècle, se développe principalement dans les régions du nord, à travers des comptoirs commerciaux et des petites colonies. Arrivées également du continent africain, les populations bantoues, qui pratiquent l’élevage des bovins et des caprins, provoquent des bouleversements environnementaux. Puis l’arrivée des
Mortier en forme de zébu © Coll. St. Mangin / Musée du Quai Branly – Jacques Chirac / Ph.: Cl. Germain
marchands arabo-musulmans qui apportent avec eux céramiques chinoises et islamiques, et objets en verre venus de Perse, révèle l’insertion progressive de Madagascar dans les réseaux d’échanges internationaux.
Le monde des vivants et celui des morts
Cette histoire riche et bouleversée a laissé marques et empreintes sur son art et son artisanat, et a induit une profond métissage culturel autant qu’agricole avec la riziculture, venue d’Asie, et l’élevage des bovins, les cultures du taro et de la banane, importées d’Afrique australe et orientale. L’exposition se divise en trois grandes parties. Une première qui suit chronologiquement l’histoire de Madagascar et met en regard tant des outils, armes, ustensiles que les photos des caciques, gouverneurs et des habitants des sept siècles passés. Puis, on s’intéressera au monde des vivants, à la vie quotidienne des peuples de l’île dans ce qu’il y a de plus journalier avec l’architecture domestique, les objets et ustensiles de tous les jours, l’habillement, les instruments de musique… Et enfin, après le monde des vivants, le royaume des morts, un royaume qui, dans ces sociétés relève toujours d’une grande dimension spirituelle. Parallèlement au monde des vivants, des êtres immatériels – puissance suprême, ancêtres, esprits et forces naturelles – évoluent dans une autre dimension. Si le Dieu créateur est inaccessible aux prières et aux sollicitations des humains, les ancêtres, en tant qu’intermédiaires et surtout parce qu’ils peuvent régler un problème ou provoquer des désastres, sont honorés et omniprésents au quotidien. Leur influence est perceptible dans le monde profane : ils sont indispensables au domaine du sacré, qu’il s’agisse de cérémonies concernant un individu, de cultes impliquant toute la communauté ou de rites de guérison.
Amulette Sakalava, Ambato-Boeni © Musée du Quai Branly – Jacques Chirac / Ph.: Th. Ollivier
Talismans, charmes et amulettes
De très nombreux objets personnels révèlent un lien au sacré et sont parfois aussi impliqués dans des cérémonies rituelles. Les textiles tissés habillent les vivants et enveloppent les morts ; les linceuls sont souvent plus précieux que les pagnes rectangulaires qui sont portés drapés par les habitants des villes et des villages. Au plus près de ces frontières avec les espaces invisibles, les astrologues et devins officient pour guider et protéger les membres de la communauté : les talismans, charmes et amulettes s’adressent au monde tangible alors que les tombeaux sont les dernières demeures de ceux qui vivent dans l’au-delà. Un voile d’importance ici est soulevé sur une terre qui, trop souvent, nous est conté à l’aune de ses malheurs et dont on ignore que trop la véritable âme.
« On l’aura compris, l’art de Madagascar se décline au pluriel, et il est bienvenu que l’exposition le réinscrive dans la profondeur historique de l’île. Car c’est bien la richesse d’un espace carrefour que donne à appréhender Madagascar, dont on peut dire, en écho à Aimé Césaire, cité dans les pages du catalogue et pour qui « une île est toujours veuve d’un continent », qu’il a d’abord fallu que cette île-là épouse le monde pour pouvoir devenir elle-même. » résume parfaitement Stéphane Martin.
Musée du Quai Branly / Jacques Chirac, Galerie Jardin, 37 quai Branly (7e).
Les lundi, mardi, mercredi et dimanche de 11h00 à 19h00, les jeudi, vendredi et samedi de 11h00 – 21h00.
Site du musées : www.quaibranly.fr/fr/