Le musée Guimet nous convie à la découverte des arts de la période Meiji. En cette fin du XIXe siècle avec la réhabilitation de l’empereur sur le trône, le pays du Soleil levant s’ouvre enfin au monde et flotte alors sur l’Occident une vague de japonisme révélant au monde la beauté de l’art japonais.
Posté le 22 novembre ➡ À voir jusqu’au 14 janvier 2019
À l’ère Meiji, le Japon s’ouvre enfin au monde, comme le montre cette estampe d’une vue d’ensemble du quartier français de Yokohama en 1872 par Utagawa Kuniteru II © RMN-GP (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier
Le roi dragon Ryujin monté sur un poisson fugu géant, portant le joyau qui contrôle les marées. Japon fin du XIXe siècle © Musée Cernuschi, Paris / Ph.: D.R.

Bol à décor d’aigrettes Miyagawa Kôzan (1842-1916) Yokohama, Japon, vers 1900-1910 © Victoria and Albert Museum, London

Boîte à décor de glycines Commande de la Maison impériale Andô Jûbei (1876-1953) Nagoya, Japon vers 1905 © The Khalili Collections of Japanese Art

Kawanabe Kuosai (1831-1889) Combat d'hommes nus, Japon fin XIXe siècle © Paris MNAAG, achat Émile Guimet

Promenade à bord d’une barque, illustration du chapitre Ukifune du Dit du Genji, Japon, vers 1901 © The Khalili Collections of Japanese Art

Émile Gallé (1846-1904) Plat d'ornement, France Nancy vers 1878 © Paris, Musée d'Orsay / Ph.: D.R.

Avant d’aborder cette exposition, un rappel historique s’impose, tant il est vrai que certaines expositions nous demandent de nous pencher sur les histoires des autres. D’autant ici où l’aspect historique est l’un des paramètres essentiel de l’exposition. Et il faut le reconnaître, l’histoire du Japon n’est pas, chez nous, des plus connues. Donc cet ère Meiji, qui correspond dans notre histoire au Second Empire et au début de la Troisième République, se caractérise surtout par l’ouverture du Japon au monde. Cette ère fait suite à l’ère Edo, période féodal (shogunat) qui voit l’émergence d’une culture nationale sous les coups de butoir des puissances extérieures qui accentuent leur présence suite à des conquêtes territoriales.
Ce système à bout de souffle, dont l’épilogue voit l’effondrement du bakufu (gouvernement militaire isolationniste exercé par le shogun Tokugawa), et la réhabilitation du pouvoir impérial en 1868 avec l’avènement de l’empereur Meiji Mutshuito. Période qui va se caractériser par son ouverture vers l’Occident, sa modernisation et industrialisation rapide à l’occidental, une militarisation et une recomposition des zones de peuplement. Cette profonde mutation touchera tous les éléments de la société japonaise, bouleversant le système établi, jusqu’à encourager l’adoption du costume à l’occidentale. Plus simplement, en ce qui nous concerne, cette ère va provoquer ici une vague de japonisme avec la découverte des estampes (ukiyo-e) dont les impressionnistes en tête seront très friands. Monet en fut du reste un grand collectionneur.
L’exposition s’ouvre en nous présentant ce bouleversement qu’est la montée sur le trône de l’empereur Meiji – dont la photographie naissante nous a laissé des portraits – et de l’ouverture du Japon qui se présente au monde lors des expositions universelles et internationales. À travers ce foisonnement artistique éclectique (que ce soit des bronzes monumentaux réalisés pour les foires mais aussi de somptueux objets d’art réalisés pour la famille impériale), une nouvelle représentation du pays se fait jour, avec ses images emblématiques d’un Japon éternel : le mont Fuji, ou encore le pont aux glycines de Kameido. Pour les artistes japonais, pas de révolution toutefois mais un habile retour aux sources motivé par une adaptation au goût d’un marché tant intérieur, avide de nouveautés, qu’extérieur, en plein essor. Si l’ordre ancien est aboli, tsuba (pièce de garde des sabres), sabres et kimonos deviennent objets de collection et une histoire de l’art du Japon se fait jour en son pays.
Chicago, Paris, Londres…
Dès lors, le Japon va s’exporter. D’abord dans des expositions universelles comme celle de Chicago en 1893 dans laquelle les produits de l’artisanat japonais sont exposés dans des pavillons à l’architecture historique du Japon des XIe au XIXe siècle pour bien ancrer cette identité et donner à voir les caractéristiques propres de la culture japonaise. Ce que recherche dès lors les Occidentaux séduits par la beauté et la rigueur des productions en provenance du pays du Soleil levant. Il en est de même à
Uchida Kuichi (1844-1875). Photo de Mutsuhito, l’empereur Meiji. Première photographie de l’Empereur prise en costume occidental © RMN-GP (MNAAG, Paris) / image RMN-GP
Paris en 1900 où des bâtiments dédiés à l’art japonais entourent un pavillon japonais reconstitué du plus bel effet. Mais c’est surtout la diffusion des estampes – dont les premières arrivées en Europe servaient à… emballer les produits exportés comme les porcelaines et le thé ! – dont les vues des ports et monts, la vie quotidienne des paysans, pêcheurs et marins (sans oublier les fameux shunga, ces estampes friponnes) firent le bonheur des collectionneurs européens et influencèrent énormément les artistes impressionnistes et postimpressionnistes.
Bien connus de nos jours, mais en cette fin du XIXe siècle on découvrit en Occident les noms d’Hiroshige, Utamaro, Hokusai (et son iconique Vague), Utagawa, Kuniyoshi, Kunisada et surtout un certain Kawanabe Kyôsai, artiste visionnaire, rebelle et excentrique, allumé, pourfendeur de ce Japon qui s’occidentalise au travers de gravures à l’humour foutraque et débridé qui eut, en son temps, des démêlés avec la censure. Tous ces artistes nous font découvrir des lieux ruraux comme urbains, des vues éternelles, idylliques et intemporelles de l’archipel, mais aussi la vie des courtisanes, la prostitution, les acteurs de théâtre mais aussi un pan de l’histoire du Japon avec ses héros, ses batailles et sa soldatesque. L’exposition fait une large place à toutes ces productions de l’ère Meiji, estampes mais aussi et surtout kimonos, porcelaines, bronzes, bijoux et autres objets d’usage courant ou décoratif.
En définitive, quelles traces cette période Meiji a laissé en Occident, et en Europe plus particulièrement ? La fin de l’exposition nous invite à deviner d’où proviennent des articles exposés. Ce plat à décor de pêcheurs et de poisson vient-il de Yokohama ou de Nancy ? Ce vase à décor de glycines, de Kyoto ou de Sèvres ? Et celui-ci ? De Nagoya ou de Gien ? Et ces assiettes à décor si japonais ? Creil ou Arita ? Vous serez bien étonné par les réponses, étonné aussi par cette exposition à la découverte d’un Japon au plus haut de son art.
Musée Guimet. 6, Place d’Iéna (16e)
Tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h.
Site du musée : www.guimet.fr