Première exposition en France, à la Maison Européenne de la Photographie, de ce photographe chinois disparu à 29 ans. Une œuvre qui mêle désir de liberté, de création, de fraîcheur et d’insouciance et qui fut censuré dans son pays.
Posté le 20 mars ➡ Exposition à voir jusqu’au 25 mai 2019
Ren Hang, Untitled © Courtesy of Estate of Ren Hang and OstLicht Gallery
Ren Hang, Untitled China, 2015 © Courtesy of Estate of Ren Hang and OstLicht Gallery

Ren Hang, Untitled China, 2015 © Courtesy of Estate of Ren Hang and OstLicht Gallery

Ren Hang, Untitled China, 2015 © Courtesy of Estate of Ren Hang and OstLicht Gallery

Ren Hang, Untitled © Courtesy of Estate of Ren Hang and OstLicht Gallery

Guo Yingguang, Untitled 3 2016 © Guo Yingguang

Yoonkyung Jang, Stand still Séoul, Corée du Sud, 2018 © Yoonkyung Jang

Première programmation pour la nouvelle direction de la Maison Européenne de la Photographie après le départ du regretté Jean-Luc Monterosso et l’arrivée au poste de directeur de l’anglais Simon Baker. Une programmation qui donne une large place à la scène asiatique avec, entre autres, cette première présentation chez nous de Ren Hang qui, bien qu’exposé dans de nombreuses galeries de par le monde n’avait jamais eu les honneurs d’une cimaise française. Nous découvrons là non seulement un photographe abouti qui bouscule les codes et transgresse bon nombre de tabous, mais aussi un résistant, un dissident dans son pays qui, comme nous le savons, n’aime pas vraiment que ces artistes marchent en dehors des standards convenus.
Et en quoi ce jeune homme – né à Changchun en 1987 et qui mis fin à ses jours à l’âge de 29 ans – dérangeait-il ses institutions ? Il faut dire déjà que tout ce qui attrait à la sexualité est mal vu en Chine, un espace considéré là-bas comme transgressif et subversif. Mais Ren Hang ne voulait en aucun cas faire de son travail une contestation mais simplement l’expression d’un « désir de liberté, de création, de fraîcheur et d’insouciance ». Ses nus naturalistes dans lesquels les sexes ne sont nullement cachés lui valent, chez lui, d’être considéré comme pornocrate. Et pour cela, il est arrêté lors de séances de prises de vues, interdit d’exposer et pourtant, lui se défendant toujours de faire des images subversives.
Entre humour et érotisme
Cet électron libre qui commença des études de marketing où il s’y ennuyait ferme, commença la photo avec un petit appareil prenant ses copains et copines de dortoirs comme modèles ou d’autres « recrutés » sur internet. Un petit film dans l’exposition nous le montre au travail, dirigeant ses modèles d’un soir presque comme un jeu estudiantin, sans éclairage, matériel ou équipement sophistiqué. Pourtant, de ces « jeux » sans conséquence va naître un photographe des plus accomplis.
Mais au-delà, avec sa vision novatrice, unique, il a bâti en peu de temps, une œuvre à nul autre pareil. Faite de paysages, mais aussi et surtout de portraits et de nus, jouant avec les corps d’une manière sensuelle et délicate, les empilant, les mêlant, les entremêlant, les pendant aux arbres avec un inconstatable mélange d’humour, d’érotisme en des compositions plastiques indéniables.
Digne fils d’un Hiro, il est très vite reconnu hors de son pays, il
Ren Hang, Untitled, 2016 © Courtesy of Estate of Ren Hang and Stieglitz19
est exposé dans de nombreuses galeries, et son travail publié dans des revues de mode jusqu’à faire, chez nous, la couverture en 2014 d’un numéro des Inrocks ! Auteur de plusieurs ouvrages auto édités et d’une monographie parue chez Taschen, ce jeune homme trop à l’étroit dans le carcan des conventions, dépressif écrivit sur son site : « Si la vie est un abîme sans fond, lorsque je sauterai, la chute sans fin sera aussi une manière de voler. »
Les portraits oniriques de Yoonkyung Jang
Le niveau 1 de la MEP nous présente un accrochage de la jeune artiste coréenne Yoonkyung Jang, gagnante, en 2018, du Prix Dior de la Photographie pour Jeunes Talents décerné en marge des Rencontres d’Arles. Cet accrochage est fait exclusivement de portraits de femmes et offre une vision très personnelle et allégorique de la féminité et de la beauté. L’usage unique de l’argentique ainsi que son travail sur la couleur et la lumière, confèrent à ses photographies une matière profonde. Après plusieurs jours de préparation et d’essais sur polaroïd, Yoonkyung Jang réalise ces portraits, de façon instinctive, en une journée, sans aucune retouche. Une démarche qui les nourrit d’une ambiance évanescente et onirique.
La Chine des mariages
de Yingguang Guo
Cette programmation au niveau 1 se veut comme une galerie avec une rotation de programmation plus soutenue. Pour preuve, l’accrochage des portraits de Yoonkyung Jang laissera la place le 20 avril aux travaux d’un genre tout différent de la chinoise Yingguang Guo titré « The Bliss of Conformity ». Alliant photographie, vidéo, installation et livre, le travail de cette lauréate du Prix Madame Figaro Chine se focalise sur des préoccupations sociales de la Chine contemporaine, en s’axant spécifiquement sur la condition des femmes à travers la pratique du mariage arrangé. La série exposée à la MEP, « The Bliss of Conformity », saisit le
Guo Yingguang, Untitled 9, 2016 © Guo Yingguang
Jardin du Peuple à Shanghai, dans lequel des espaces entiers deviennent des lieux de marchandisation où les parents diffusent des annonces et se lancent à la recherche d’un conjoint pour leurs enfants.
Maison Européenne de la Photographie, 5-7, rue de Fourcy (4e).
Ren Hang à voir jusqu’au 26 mai
Yoonkyung Jang à voir jusqu’au 14 avril
Yingguang Guo à voir jusqu’au 26 mai
Ouvert du mercredi au dimanche, de 11h à 19h45. Fermé les jours fériés.
Site de la MEP : www.mep-fr.org/