Le musée Picasso nous présente, côte à côte, Picasso et Calder, deux artistes qui rivalisent de légèreté et d’inventivité, explorant la notion de plein, de vide et d’espace en une épatante confrontation entre figuration et abstraction.
Posté le 25 avril ➡ À voir jusqu’au 25 août 2019
Pablo Picasso, Figure (Projet pour un monument à Guillaume Apollinaire), Paris, automne 1928 © Musée national Picasso-Paris / Dation, 1979 / Succession Picasso 2019
Alexander Calder, Joséphine Baker IV, vers 1928 © Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris / 2019 Calder Foundation, New York / ADAGP, Paris
Pablo Picasso, Femme dans un fauteuil, Paris, 2 avril 1947 © Musée national Picasso-Paris, Dation, 1990 / RMN-Grand Palais / G. Blot / Suc. Picasso 2019
L’œuvre tentaculaire de Picasso (1881-1973) est un tonneau des Danaïdes, les expositions de confrontation (avec Matisse, Picabia, Gonzales, les femmes, les maîtres anciens, etc…) et d’exploration se succèdent sans discontinuer depuis quelques temps. Si certaines de ces présentations le sont dans un but plus mercantile que réellement historique ou artistique, en revanche, certaines, comme celle que nous présente le musée Picasso, mettant en parallèle son œuvre et celle de Calder (1898-1976), prent ici du sens. En effet, même si les deux hommes ne se sont guère fréquentés, on note seulement trois ou quatre rencontres, ils ont tout de même œuvré sur le même chantier – comme nous le rappelait l’exposition consacrée à Guernica ici même – à savoir celui du pavillon espagnol de l’Exposition universelle de 1937 à Paris. Picasso y exposa son œuvre majeure tandis que Calder s’occupa de la fontaine du dit pavillon.
Calder espagnol ?
Du reste on se demande bien comment un artiste américain avait abouti là ? Tout simplement par un concours de circonstance. C’est Miró qui, préparant son œuvre pour le pavillon (Le Faucheur, aujourd’hui disparu), présenta Calder à l’architecte Josep Lluis Sert. Calder emballé par l’architecture proposa de faire une fontaine ce que Sert refusa au prétexte que Calder n’était pas espagnol. Sert reviendra sur son refus et Calder pu concevoir et installer sa fontaine.
Les deux hommes sans vraiment se rencontrer, suivirent leur chemin avec néanmoins certaines passerelles entre leur art. Une réflexion qui a présidé à cette mise en parallèle de plus de cent vingt œuvres – dessins, peintures et naturellement sculptures à égalité entre les deux artistes – dont certaines avaient déjà fait l’objet d’une première présentation commune sous l’égide de la galerie Almine Rech, lors de l’inauguration de son espace new-yorkais.
Alexander Calder, Dancer, 1944 © 2019 Calder Foundation, New York / ADAGP, Paris
Pablo Picasso, Petite Fille sautant à la corde, Vallauris, 1950 © Musée national Picasso-Paris, Dation, 1979 / RMN-Grand Palais / Adrien Didierjean / Succession Picasso 2019
Alexander Calder, Four leaves and three petals, 1939 © Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris / Dation, 1983 / 2019 Calder Foundation, New York / ADAGP, Paris
La présentation dans l’hôtel Salé qui abrite le musée, se concentre exclusivement sur leur parallèle artistique tant il est vrai, et le choix du parcours chronologique le démontre parfaitement, que les deux ont travaillé sur un concept commun qui est celui du vide et de l’espace. L’un, l’Espagnol, terrien dont l’art oscille sans cesse entre creux et matière comme dans une sorte de peur du vide et l’autre, l’Américain, ingénieur de formation, qui hisse son art vers les étoiles, tout en finesse et légèreté. On se souvient de la présentation de son « cirque » en fil de fer, présenté à Beaubourg en 2009, et ses acrobates volants de portiques en portiques, sans oublier ses mobiles qui tutoient les cieux et qui sont la partie la plus connue de son œuvre.
L’exploration du vide
Les deux se retrouve donc dans cette « exploration du vide » qui donne ici toute la raison de cette confrontation. Et pour preuve, l’exposition s’ouvre avec ce Projet pour un monument à Apollinaire daté de 1928, exécuté par Picasso en collaboration avec le sculpteur Julio Gonzales, et qui trouve en résonance les figures en fil de fer du cirque de Calder. Ces sculptures du vide ont ici un effet miroir même si, comme toujours dans ces expositions tendant à mettre en parallèle deux artistes, le jeu des sept ressemblances entraîne les visiteurs à moins s’interroger sur les démarches et propositions que sur les affinités. Et ici les démarches des deux donnent à voir leur véritable cohésion croisée. Les mobiles qui ont tant fait pour la renommée de l’Américain sont à regarder aussi à l’aune de l’Espagnol qui va travailler ses esquisses, pour en définitive arriver à l’essentiel comme ces onze états de son taureau qui va peu à peu voir sa forme réduite à l’essentiel, à quelques lignes qui gardent entier leur sujet, tout comme les acrobates ou cette étonnante Joséphine Baker de Calder.
Sculpter, tracer, découper, plier, tordre… L’un comme l’autre tentent de découper le vide, d’apprivoiser l’espace, de trouver l’apesanteur, la grâce, la légèreté à l’image, pour Picasso, de sa Petite fille sautant à la corde de 1950 dont la gracile envolée trouve son évident écho chez le Calder de Sur un genou ou son Tightrope Worker, deux œuvres de 1944 dont seul un léger appui les rattache au sol. Et l’on se plaît tout au long de cette présentation de se trouver presque, nous aussi, en état d’apesanteur.
Musée Picasso, 5 rue de Thorigny (3e).
Du mardi au vendredi : 10h30 – 18h Samedis, dimanches et Jours fériés (sauf les lundis) : 9h30 -18h00.
Site du musée : www.musee-picasso.fr/