Les anniversaires ont de positifs qu’ils remettent en lumière des artistes qui, sans être confidentiels – comme c’est le cas pour Gustave Courbet (1819-1877) – ne sont pas très présents et peu présentés. Courbet donc, dont on fête, avec une ribambelle d’hommages et d’expositions à Ornans sa ville natale dans le Doubs, le bicentenaire de la naissance. Courbet dont la dernière grande exposition à Paris date de 2007 trouve chez les édiles de sa ville une oreille attentive, si attentive même que le Président de la République s’est déplacé pour donner un coup de projecteur assez inattendu. Courbet est un peintre charnière, assis entre deux temps dont la vie de peintre est aussi intéressante que la vie d’homme dont le rôle prépondérant pendant La Commune de Paris lui valut prison et exil.
Courbet est donc à reconsidérer en oubliant que son œuvre ne se résume pas, loin s’en faut, à cette Origine du monde mais est celle d’un vigoureux paysagiste, d’un portraitiste sensible, assis entre un académisme qu’il rejetait et un romantisme plan plan. Ses humanités et ses premières années de vache maigre vont l’amener à se débarrasser de tous ces oripeaux artistiques pour entamer une œuvre terrienne, naturaliste, réaliste qui fera, entre autre, le lit des barbizonniens.
Les Cahiers dessinés, cette maison d’édition spécialisée dans le dessin et qui fait œuvre révélant des talents inconnus ou mettant à la portée de tous, le dessin, cette facette trop souvent négligée des grandes œuvres, nous propose fort à propos un ouvrage sur le Courbet dessinateur que l’on connaît trop peu. On y découvre un dessinateur hors pair maniant avec une rare aptitude et sensibilité le fusain et le crayon en des œuvres dans lesquelles on retrouve bien puissance et robustesse, ses marques de fabrique. L’ouvrage n’est nullement chapitré de façon chronologique comme on pourrait s’y attendre, mais utilise comme division les thèmes. Évidents comme ces «Autoportraits » il en fit beaucoup dont ce magnifique fusain sur papier, une étude ou une copie de son chef d’œuvre L’Homme à la pipe, à voir aussi des « Dessins de jeunesse », ceux de sa « Vie de bohème », naturellement des « Portraits » et des dessins de « Paysages ». On y trouvera aussi, sous la dénomination de « Dessiner la peinture », quelques études souvent mises au carreau et que l’on retrouve dans de nombreux tableaux à commencer par ce fusain plaçant la multitude de personnage de son célébrissime Un enterrement à Ornans grande tartine de près de 7 mètres conservées au musée d’Orsay. L’ensemble se clôt par une section effeuillant page à page trois carnets d’esquisses. Cet ouvrage propose pour la première fois une étude historique d’ensemble, des carnets de croquis aux dessins les plus aboutis, en passant par des académies et des esquisses préparatoires. Mêlant inédits et œuvres célèbres, il ouvre la voie à une réévaluation du rôle du dessin dans l’œuvre de Courbet. Un fort volume qui présente un aspect convenu, évident mais jamais présenté de l’art d’un des plus solides artistes du XIXe siècle.
Courbet, les dessins, sous la direction de Niklaus Manuel Güdel
Editions Les cahiers dessinés. 376 p. 320 ill. 42 €
Bicentenaire Courbet à retrouver sur musee-courbet.doubs.fr