En nous plongeant dans cet ouvrage que le photographe Abbas, de façon posthume, nous envoie du paradis des photos reporters, que de souvenirs viennent à refaire surface. Pour notre génération de baby-boomers qui ont siroté la photo de reportage avec les images rapportées du Vietnam en guerre – et du Biafra – par les Caron, Mc Cullin, Leroy, Depardon, Huet, Burrows et autre Sawada, cette « génération Vietnam » qui forgea, sinon notre conscience, du moins notre regard sur le monde. Abbas fut de ceux-ci et avant de nous quitter en avril de l’an passé, il s’était replongé dans ses planches-contacts pour nous en tirer cet opuscule testamentaire, comme si, de sa longue carrière de par le monde, cet Iranien avait voulu faire de cette période entre 1972-1975 l’essence de son travail.
Ce membre, parmi les plus importants et reconnus, de la mythique agence Magnum fut le premier à aller faire aussi une incursion chez les Vietcongs, de l’autre côté du miroir, en opposant en deux images emblématiques le « sudiste » équipé par les Américains d’armes alors modernes et le « nordiste » armé de sa seule foi et d’une kalachnikov bricolée. Au delà-là des combattants, sillonnant rues et villages il s’intéressa aussi au peuple qui vivait cette guerre avec courage et dignité. C’est à cela que l’on reconnaît un grand, à cette propension à ne pas oublier, hors des combats, ceux qui en subissent les dommages collatéraux, ce peuple des villages et des rizières, pareil du nord au sud.
De retour en 2008 sur les terres de cette guerre, dans un pays à l’économie devenue capitaliste, il se demanda alors « à quoi avait servi une aussi longue guerre, tant de morts, de souffrance et de sacrifice… » La question se pose pour tous les conflits du monde, anciens, en cours et malheureusement à venir…
Vietnam, forget me not par Abbas
Editions Delpire. 240 p. 200 ill. 28 €