La fondation Custodia nous invite à découvrir un impressionniste néerlandais quasiment inconnu chez nous, Willem Bastiaan Tholen qui a laissé une belle œuvre faite de paysages d’une grande quiétude. Il est associé ici à Gérard de Palézieux qui nous donne à voir une œuvre qui a la respiration silencieuse d’un Morandi.
Posté le 15 octobre ➡ À voir jusqu’au 15 décembre 2019
Willem Bastiaan Tholen, Vue d’Oude Wetering, 1904 © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris
Willem Bastiaan Tholen, Payasage fluvial, 1882 © Museum Gouda / Ph.: Tom Haartsen

Willem Bastiaan Tholen, Femme en train de faire la vaiselle à Gietboorn, vers 1880-1885 © Stichting Gifted, Rotterdam

Willem Bastiaan Tholen, Autoportrait dans un paysage boisé, 1895 © Dordrechts Museum

Willem Bastiaan Tholen, Ruelle, 1896 © Groninger Museum, Groninger

Willem Bastiaan Tholen, Koninginnegracht, vers 1901-1905 © Kunstmuseum Den Haag, La Haye

Gérard de Palézieux, Riva degli Schiavoni, 1975 © Fondation William Cuendet & Atelier Saint Prex, Vevey

Alors que les poids lourds Bacon, Gréco, Toulouse-Lautrec et autre Hartung s’installent à Paris, allons chercher un peu de quiétude à la Fondation Custodia, qui nous invite à découvrir deux artistes peu, sinon pas, connus, chez nous du moins : un certain Willem Bastiaan Tholen (1860-1931) et, à l’habitude, lui est adjoint dans les salles du sous-sol un dessinateur et aquarelliste hors pair, Gérard de Palézieux (1919-2012) dont les œuvres ont la respiration silencieuse de celles d’un Morandi.
Willem Bastiaan Tholen est donc un impressionniste, se rattachant à ce mouvement né ici, inutile de le rappeler, dans le dernier quart du XIXe siècle et qui essaima et fit des émules un peu partout. Il serait long de citer tous les artistes tant européens qu’américains qui firent entrer ainsi l’art dans la grande modernité.
Le cas de Willem Bastiaan Tholen est des plus intéressants tant est à considérer son parcours à l’aune de celui de ses pairs français. Les premières œuvres que l’on nous accroche ici dans ce bel hôtel particulier qui sert d’écrin à la fondation, sont d’évidence à rapprocher de celles que brossèrent les barbizonniens, proches de l’École de la Haye, comme Corot, Rousseau, Millet ou de la Peña. Des paysages sourds, une nature prégnante dans laquelle se détache sur des ciels nuageux, la silhouette d’un arbre, d’un moulin, des paysages animés par quelques rares personnages qui, de par leur taille subliment la force et la grandeur de la nature.
Le tournant chez Willem Bastiaan Tholen se fait lorsqu’il aborde des scènes de genre dans lesquels il emprunte à la vie des sujets simples, ordinaires, urbains comme familiaux qu’il traite
Willem Bastiaan Tholen, Maisons en construction, 1895 © Kröller-Müller Museum, Otterlo / Ph.: Rik Klein Gotink
alors dans une veine impressionniste.
C’est tout d’abord aux Beaux-arts d’Amsterdam qu’il fait ses études, puis à Delft, également aux Pays-Bas. Des études qu’il termine en 1878 et qui le destine à devenir prof de dessin. C’est semble-t-il pas sa voie, bien qu’il la pratique dans le petit village de Giethoorn. Et dès 1880, le voilà parti sur le motif à étudier le paysage, les ponts et canaux de ce village situé dans la province de l’Overijssel à l’est des Pays-Bas. Avec ses vues naturalistes il rencontre de suite un vrai succès. Très vite, il va chercher à imprégner à son art une touche plus personnelle, plus intemporelle traitant aussi de la vie urbaine, de choses simples, prenant pour sujet un chantier de construction, un abattoir, une ruelle avec un commissionnaire, ses proches ou deux sœurs toute à leur lecture.
Retour au paysage
Mais il n’abandonne pas le paysage ou les marines qui n’ont pas quitté pour autant sa palette. Pour ce faire, le voilà sur le motif, reprenant le credo des Impressionnistes et se fait même, en 1901, construire un voilier avec lequel il voyage sur les lacs hollandais et sur le Zuiderzee, cet ancien golfe sur la mer du Nord. Cette navigation ou ses promenades ont exclusivement pour sujet la nature dans sa dimension rousseauiste, s’arrêtant sur des sujets simples : un pont, un bateau amarré, un canal, un polder, donnant à sa quête du paysage une démarche misanthropique. Pas ou peu d’humains, pas de folklore, seules quelques furtives silhouettes hantent ses tableaux que l’on pourrait penser l’œuvre d’un ermite.
La dernière partie de l’exposition nous le montre fin dessinateur et graveur, croquant avec subtilité et par des traits vifs, maisons, canaux et autres forêts comme des exercices préparatoires à ses œuvres. Willem Bastiaan Tholen est assurément un bel artiste au talent affirmé, qui certes ne sort pas du lot de ses pairs, sinon à noter qu’il sera imperméable à tous les nouveaux « ismes » de son temps qui ne semblent pas l’atteindre. Il reste définitivement le peintre et le dessinateur d’un temps immuable, comme figé dans une éternelle contemplation.
Le contemplatif Gérard de Palézieux
Dans les salles du sous-sol de la fondation, nous est présenté Gérard de Palézieux que l’on imagine bien cloîtré dans le silence de son atelier, à interroger l’essence même de son travail et à le confronter à la source de la Renaissance italienne dont il semble avoir fait son crédo. Il se révèle aussi un fin technicien
Gérard de Palézieux, Nature morte, pot, vase et corbeille, s.d. © Fondation William Cuendet & Atelier Saint-Prex, Vevey
qui suivit des études et assimila toutes les techniques de son art à Florence entre 1939 et 1943. Il cherche dans ses œuvres, comme une quête, l’essentiel, que ce soit dans les rares paysages faits à l’aquarelle durant ses voyages en Provence, au Maroc et à Venise. Ou encore dans les natures mortes où il sait, avec une rare justesse, sublimer des objets d’une extrême simplicité ou trouver en quelques traits toute l’essence d’un paysage. Lui aussi à sa manière – et c’est peut-être la raison pour laquelle il est ici associé à Willem Bastiaan Tholen – il s’est attaché à décrire l’essentiel, lorsque, débarrassé du superflu, apparaît la véritable âme de ses sujets.
Willem Bastiaan Tholen & Gérard de Palézieux
Fondation Custodia, 121 rue de Lille (7e).
À voir jusqu’au 15 décembre 2019
Tous les jours sauf le lundi de 12h à 18h.
Site de la Fondation : www.fondationcustodia.fr
Catalogue
Willem Bastiaan Tholen sous la direction de Marieke Jooren
Éditions en néerlandais et français
Editions Bussum, Uitgeverij Toth & Fondation Custodia. 320 p. 300 ill. 39,95 €