Quatre magnifiques sculptures de plusieurs mètres de haut de l’artiste catalan Jaume Plensa sont présentées dans la galerie Lelong, galerie d’élection de ce sculpteur parmi les plus importants et novateurs de la scène actuelle. Un hymne à la beauté, au mystère et au silence. Magnifique !
Posté le 23 octobre ➡ À voir jusqu’au 16 novembre 2019
Vue in-situ de l’exposition Jaume Plensa, 2019 © Jaume Plensa / Courtesy Galerie Lelong&Co / Ph.: D.R. / Adagp 2019
Installés dans sa galerie d’élection, se trouvent les derniers travaux de Jaume Plensa (né en 1955), sculpteur catalan parmi les plus novateurs de l’époque. N’hésitant pas à se remettre en cause à chaque présentation, n’exploitant pas un filon mais partant à chaque fois explorer de nouveaux rivages pour alimenter une œuvre en constante mutation. Sculpteur, dessinateur et graveur, Jaume Plensa, reconnu internationalement, voit ses œuvres orner bon nombre de places, d’institutions ou de parcs. Une monumentale fontaine installée à Chicago (Crown Fountain, 2004) en est un exemple, dans laquelle l’eau, tombant d’une belle hauteur est entourée d’écrans dévoilant le visage de mille des habitants de la cité. Ses œuvres qui se fondent à merveille dans le paysage urbain ou agreste et font très vite partie intégrante de ces lieux où elles sont acceptées comme une évidence. Son travail sur le volume, la transparence, la lumière, les textes et le temps singularise une démarche ancrée tout à la fois dans une extrême contemporanéité et dans un classicisme qui le rend universel.
Dans cette nouvelle manière qu’il exploite depuis ces dernières années, nous nous trouvons en présence de têtes monumentales, anamorphosées et hiératiques. Trois d’entre elles sont posées au sol et une quatrième suspendue au plafond de la galerie. Dans une ambiance sombre et feutrée, elles apparaissent comme des divinités. Il y a toujours eu une dose de mystère dans les œuvres de Plensa, une matière à interrogation comme dans ces récits dans lesquels soudainement on nous plonge dans une autre dimension. Sur quoi ouvre cet étrange alignement de portes (Wonderland I, 1993) ? Que contient cet énorme fût d’aluminium (Meeting Point, 1997) ? Que renferment ces caissons translucides qu’éclairent une lumière intérieure ? (Song of songs, 2004) ? Quelle étrange officiant vient frapper ces cymbales de bronzes suspendus (The marriage of Heaven and Hell, 2003 et Jérusalem, 2006) et dernièrement ces corps de scribes faits de lettres ? Délivrent-ils un message ? (Nomage, 2007 ou House of Knowledge, 2008). Et enfin que penser de ces immenses têtes aujourd’hui, de ces divinités qui nous apparaissent nimbées de leurs mystères comme les têtes géantes de l’Île de Pâques et provoquent, comme elles, d’insondables réflexions.
Des figures du mystère
Et ici, qui sont ces jeunes filles méconnaissables dont on nous dit pourtant qu’elles existent, qu’elles ont même chacune un prénom – Julia, Laura, Wilsis et Minna. Quatre divinités ? Quatre prêtresses, ou tout benoîtement quatre jeunes filles de notre temps, rieuses et malines qui doivent bien s’amuser de ce qu’un artiste les ait réduites au silence – l’une d’elle, le doigt sur la bouche nous y invite – et à être admirées. Le monumental dans l’œuvre de Plensa participe du mystère comme de l’admiration et du silence propre à son art.
Après, ces dernières années, les avoir sculptées dans un marbre immaculé, elles l’ont ici d’abord été dans des tronc d’arbres, puis coulées dans le bronze et recouvertes d’une patine noire. Ces portraits anamorphosés conservent étonnement tous la texture de leur matériau d’origine, le métal recélant la trace ADN du
Minna’s words, 2019 © Jaume Plensa / Courtesy Galerie Lelong&Co / Ph.: D.R. / Adagp 2019
bois, de ses failles, de son fil comme ces deux fissures naturelles qui découlent des yeux comme des larmes semblant percer – humaniser ? – la carapace de leur mystère. L’œuvre de Plensa est résolument humaine, résolument de notre entendement à résonner en nous, activant notre indispensable besoin d’absolu, notre propension à rechercher d’étranges et irrésolus mystères, de nous confronter à une part indéfinie de nos interrogations. Ces merveilleuses têtes hiératiques présentées ici appellent le silence, presque le recueillement face à la beauté et à l’inexpliqué.
Galerie Lelong&Co. 13, rue de Téhéran (8e)
À voir jusqu’au 16 novembre
Ouvert du mardi au vendredi de 10h30 à 18h et le samedi des 14h à 18h30
Site de la galerie : www.galerie-lelong.com