Sur leur lancée et afin de raser cette montagne forte de 130 000 pièces que contient la collection Aristophil, démantelée suite à la découverte de cette escroquerie de grande ampleur, ce mois de novembre voit 5 ventes, représentant 1300 lots soit… 1% du total ! Histoire, littérature, Grande-Bretagne, Amérique et Académie française sont au menu de cette nouvelle tranche de vente.
Vente du 18 au 21 novembre à l’Hôtel Drouot-Richelieu.
Alfred Hitchcock (1899-1980). Manuscrit dessiné autographe (Story-board) pour son film Stage Fright (Le Grand alibi), 130 feuillets. Vers 1949 © Courtesy Aguttes.
Rappelons les faits de cette vente à épisodes dont arrive, en ce mois de novembre, ses 22e à 26e vacations. Les ventes des trésors (le mot n’est en rien exagéré) de cette société font suite au démantèlement d’une escroquerie de grande envergure. Les ventes de la collection constituée par la société Aristophil, forte de 130 000 pièces, ont fait et feront encore l’objet de dizaines de vacations sans, semble-t-il, atteindre la saturation du marché. Ce que l’on prédisait pourtant. On pouvait, à l’annonce de cette dispersion, se demander légitimement comment procéder pour assécher ce fleuve constitué d’une si grande variété de dessins, photographies, lithographies, manuscrits anciens, chartes, incunables, livres, partitions, éditions rares et originales, lettres, autographes, philatélie, souvenirs et autres documents qui forment un agglomérat couvrant l’ensemble des moyens d’expression dont usa l’homme depuis les origines jusqu’à nos jours.
Apparemment les amateurs et institutions sont au rendez-vous et les ventes s’enchainent avec un certain succès, même si les pièces sont cédées à des prix loin de ceux qui étaient évalués par les organisateurs de cette escroquerie. On pourra seulement regretter que le musée qu’ils avaient ouvert pour présenter certaines pièces ait été fermé. Quoiqu’il en soit, les œuvres, dessins, reliures et autres illustrations présents ici relèvent pour beaucoup de l’appellation d’œuvres d’art et ont donc leur place ici.
De François Ier à De gaulle
Rappelons les faits, tant la découverte de cette escroquerie commence à être du passé. Sous couvert et annonce de profits juteux pour les « actionnaires » de cette respectable institution, se cachait une entourloupe, une de ces fameuses « pyramides de Ponzi » dans laquelle sont tombés les naïfs agioteurs qui pensent toujours que les rentabilités mirifiques proposées par un « respectable » citoyen, à l’entregent bien établi, sont une garantie.
En résumé, il s’agissait d’acheter un bien, de surévaluer sa valeur (souvent de l’ordre de 10 fois !) puis de le revendre en parts avec, à la clé, l’annonce de dividendes (jusqu’à 8% !) et de juteuses plus-values lors de sa revente sur le marché. Naturellement, il n’en était rien et les rentrants payaient les dividendes. En une sorte de course du lièvre, il fallait toujours amasser des clients pour éviter la chute. Elle était inévitable. Elle le fut en août 2015 et l’arnaque estimée de 800 millions d’euros !
Ce ne sont pas moins de 5 ventes qui sont annoncées entre le 18 et le 21 novembre. Certaines concernent des documents historiques sur lesquels nous ne nous attarderons pas, sinon à signaler de nombreuses lettres signées des grands noms de l’Histoire, de François Ier à De Gaulle en passant par tous les Bourbons et naturellement Napoléon grand épistolaire devant l’Éternel (Pages d’Histoire, le 18 novembre chez Aguttes).
Un story board de la main d’Hitchcock
Honoré de Balzac (1799-1850). Pierrette. Scènes de la vie de province. 1840. Exemplaire ayant appartenu à Balzac avec des corrections de sa main en vue d’une réédition © Courtesy Artcurial
Le 18 toujours et chez Aguttes, une vente appelée Britannica et Americana qui comprend près de 200 lots (manuscrits, ouvrages dédicacés, lettres et autres souvenirs) dans lesquels on retrouve toute la fine fleur des écrivains, scientifiques, politiques et artistes de langue anglaise comme Lincoln, Darwin, Kerouac, Einstein, Charlotte Brontë, Poe, Churchill, Kipling, Blake, Newton, London, Calder, Hemingway, Eisenhower, Hitchcock (avec les 130 feuillets d’un story board de sa main pour son film Le Grand alibi !), Steinbeck et même Keith Haring !
La littérature française n’est pas oubliée avec le 19 novembre, une vacation chez Artcurial consacrée aux auteurs des XIXe et XXe siècle. D’Apollinaire à Zola tous les grands noms, et quelques autres moins connus, sont présents dans les 265 lots de la vente. Des lettres à l’habitude mais aussi et surtout de nombreux ouvrages, la plupart sur grand papier, souvent truffés de manuscrits, dessins, photos comportant des dédicaces et, de plus beaucoup reliés par les grands noms de cet art.
Les attendus sont là comme les éditions originales de Madame Bovary de Flaubert, Une saison en enfer de Rimbaud, Le Rouge et le noir de Stendhal, La Recherche… de Proust au complet (avec Swann dans l’édition Grasset), 68 lettres amoureuses (226 pages !) de l’insatiable Juliette Drouet à son Victor (Hugo) adoré. L’immense Hugo (qui compte à lui seul pour 90 lots dans les 265 de la vacation) est présent
Victor Hugo (1802-1885). Épreuves corrigées pour Les Misérables. 1862 © Courtesy Artcurial
avec de nombreux ouvrages et lettres dont les épreuves corrigées des Misérables. Et enfin que serait une vente sans un exemplaires des Fleurs du mal de Baudelaire dans son édition originale avec les pièces condamnées. Une vraie caverne d’Ali Baba que cette vente si tant est que l’on est un bibliophile averti et… fortuné cela va sans dire.
Méconnue Académie française
Et enfin, chez Drouot Estimations le 20 novembre et chez Ader le 21, deux dispersions de 375 numéros pour la première et de 354 pour la seconde soit un total de 729 lots consacrés aux écrivains ayant siégé à l’Académie française depuis la Renaissance.
Étonnement, si l’institution est prestigieuse elle a accepté en son sein de nombreux auteurs – 732 académiciens ont été élus depuis sa création – mais il faut reconnaitre que beaucoup ne sont pas, loin s’en faut, restés dans les mémoires.
Pour rendre cette longue liste de personnages moins connus aujourd’hui, ont été adjoint à ces deux vacations des littérateurs connus qui, de près ou de loin, eurent à faire à cette vénérable assemblée. Créée rappelons-le par Richelieu en 1635 et qui siège depuis 1805 sous la coupole de l’ancien collège des Quatre-Nations rebaptisé en 1795 Institut de France. Dans la première vacation, qui nous entraine de la création de l’Académie à la Révolution, on retrouvera, au milieu de beaucoup d’académiciens aujourd’hui oubliés, les noms de Boileau, Buffon, Corneille, Chamfort, Montesquieu, Colbert, Bougainville, La Fontaine, Voltaire et Bossuet pour citer les plus illustres de la première vacation.
Le lendemain la vente est centrée sur les XIXe et XXe siècle de l’Académie avec, là, les noms d’Hugo, Joffre, Genevoix, Rostand, Juin, Lacordaire, Lamartine, Dumas fils, Clémenceau, Pétain (qui en fut exclu en 1945), Claudel, Vigny, Sainte-Beuve, Proust – dont 124 réponses d’écrivains à son fameux questionnaire – Maurois, Loti, Cocteau et Yourcenar. Et parmi ceux qui occupèrent le 41e fauteuil (on appelle ainsi les méritants qui ne furent jamais élus) on trouve ici Molière, Balzac, Stendhal, Baudelaire, Zola et Flaubert qui n’en fit jamais partie malgré l’acharnement d’amis qui firent tout pour, et qui disait : « L’Académie française : la dénigrer mais tâcher d’en faire partie, si l’on peut ».
Le 18 novembre
Britannica – Americana par la société Aguttes
Drouot-Richelieu, salle 9 vente à 14h
Le 18 novembre
Pages d’Histoire par la société Aguttes
Drouot-Richelieu, salle 9 vente à 17h
Le 19 novembre
Littérature française des XIXe et XXe siècle par Artcurial
Drouot-Richelieu, salle 9 vente à 14h
Le 20 novembre
L’Académie française I. De la fondation à la suppression révolutionnaire (1634-1793) par la société Drouot Estimations
Drouot-Richelieu, salle 9 vente à 14h
Le 21 novembre
L’Académie française II. Renaissance et pérennité XIXe et XXe siècle par Ader
Drouot-Richelieu, salle 9 vente à 14h
Site commun des ventes Aristophil : www.collections-aristophil.com/
Francisco de Goya. Los Desastres de la guerra, 1863. Suite complète des 80 estampes à l’eau-forte. © Courtesy Artcurial.