Concomitamment à la rétrospective Hartung (1904-1989) au Musée d’Art moderne de Paris deux ouvrages paraissent qui, chacun à leur manière, viennent nous parler de l’homme et de l’œuvre de ce peintre majeur de l’abstraction du siècle dernier D’origine allemande, qui déserta son pays d’origine pour venir combattre aux côtés de l’armée française lors de la Seconde Guerre mondiale et qui en perdit une jambe il a su s’imposer et faire une œuvre des plus importante en France. Dû à un aréopage de spécialiste, le premier ouvrage est le catalogue de l’exposition et le second une excellente monographie par Pierre Wat professeur d’histoire de l’art à l’université Panthéon-Sorbonne.
HANS HARTUNG, LA FABRIQUE DU GESTE
Le premier des ouvrages est l’indispensable catalogue de l’exposition. Indispensable car l’œuvre de ce peintre, l’un des plus importants du XXe siècle bien que peu connu du grand public, mérite explications et décodages pour comprendre comment c’est forgé cet art d’une radicalité abstraite et surtout son évolution des premières œuvres que l’on pensera rattachée à cet art lyrique et qui, en définitive apprend-t-on ici était des plus réfléchis (d’où le titre de l’exposition), aux dernières tentatives quand le peintre faisait œuvre de toutes techniques et expérimentations nouvelles : pulvérisateur, branches, raclettes et autres. On regrettera seulement que, suivant l’accrochage du musée, une part congrue est faite de la première période du peintre (des années 20 aux années 50) due à la rareté des œuvres de cette période tant dans les musées que dans les réserves de la Fondation Hartung-Bergman sise dans le dernier atelier du peintre à Antibes. Ce catalogue, en revanche, est émaillé à l’habitude de textes de spécialistes de l’œuvre (dont Pierre Wat) qui décodent chaque période. Et surtout, l’ouvrage fait la part belle à une biographie très détaillée qui scande les différentes périodes du peintre, biographie émaillée de très nombreuses photos d’Hartung, dont beaucoup inédites, de ses ateliers et de ses rencontres. En çà ce catalogue est d’une grande accessibilité.
Hans Hartung, La Fabrique du geste
Editions Musée d’Art moderne de Paris / Paris Musées. 272 p. Env. 350 ill. 44,90 €
HANS HARTUNG, LA PEINTURE POUR MÉMOIRE
L’intérêt premier de la monographie que Pierre Wat consacre à Hartung tient du fait, non seulement d’une narration chronologique que l’on est en droit d’attendre de tout biographe, mais aussi et surtout par les nombreux témoignages repris in extenso de personnes ayant côtoyé le peintre ainsi que de larges extraits de son autobiographie (Autoportrait Grasset 1976. Réédition Les Presses du Réel 2016) qui éclairent à point nommé le texte pour l’ancrer dans une réalité des plus vivantes. Pierre Wat explique parfaitement les « méthodes » d’Hartung dont on sait qu’il fut souvent moins gestuel et lyrique que son œuvre paraît. L’exemple des « mises au carreau » effectuées dès les années 30 sont là pour expliquer combiens ses œuvres gardent ainsi la spontanéité des petits essais à l’encre faits sur des feuilles de petites dimensions. Et Pierre Wat de nous faire pénétrer dans l’atelier d’Antibes duquel on apprend, par exemple, qu’Hartung allait même jusqu’à sacraliser et considérer comme œuvres les giclures, et autres projections sur les papiers même de protection de sa zone de travail. Pierre Wat, dans son ouvrage analyse parfaitement cet état qui veut que tout intervention est œuvre même ce qu’elle génère dans se à-côtés.
En cela l’ouvrage de Pierre Wat, fruit de recherches surtout dans les archives de la fondation, est complémentaire du catalogue du Musée d’Art moderne de Paris et vient à point nommer remplacer le pourtant irremplaçable ouvrage de Pierre Daix (Éditions Bordas/Gervis 1991), fait au plus près du peintre. Monographie malheureusement épuisée et jamais réédité qui reste, quoi qu’il en soit, la monographie de référence sur Hartung. On s’étonnera, en revanche, par prix élevé de cette nouvelle monographie.
Hans Hartung, La Peinture pour mémoire
Editions Hazan. 280 p. 176 ill. 99 €