Henriette Theodora Markovitch, dite Dora Maar, est née à Paris en 1907 et y décéde à 89 ans. Elle fut la compagne de Picasso pendant une décennie, de 1936 à 1946. Photographe, elle avait tout d’abord suivi un cursus d’apprentissage de la photographie à l’École technique de photographie de la ville de Paris. Puis est devenue l’assistante d’Emmanuel Sougez en charge de ce département au magazine L’Illustration avant de voler de de ses propres ailes. Elle se fait vite un nom, devient l’amie de Brassaï, Man Ray, des Prévert et de tout le groupe surréaliste aux côtés de Breton et de sa compagne.
Elle expose en galerie et son travail, dans la mode, comme photographe de plateau (sur Le Crime de Monsieur Lange de Renoir) et dans ses clichés plus personnels, est vite reconnu. Ce n’est donc pas une ingénue qui rencontre Picasso en janvier 1936 aux Deux-Magots, ce café mythique de Saint Germain des Près, mais une photographe déjà reconnue, avec un réseau. Une femme indépendante. « Dora Maar est aussi, d’abord, précisons-le tout de suite, une femme ayant eu sa propre existence », précise Serge Lemoine. Entre elle et le peintre, une passion charnelle nait, une communauté d’esprit aussi.
Dora Maar, Pablo Picasso et Jaime Sabartés, Antibes, été 1939 © Succession Dora Maar / Courtesy Artcurial / Adagp, Paris 2022
Dora Maar, Autoportrait à la fenêtre, Paris, c. 1935 © Succession Dora Maar / Courtesy Artcurial / Adagp, Paris 2022
Dora Maar, Pablo Picasso chez Dora Maar 6 rue de Savoie, Paris, c. 1942 © Succession Dora Maar / Courtesy Artcurial / Adagp, Paris 2022
Mais en 1943 Picasso, le volage, passe à une autre, Françoise Gilot. Dora fait une dépression, suit une thérapie avec Lacan… Elle ne se remettra jamais complètement de cette rupture (elle ne fut pas la seule à l’image d’Olga Khokhlova mariée au peintre en 1918, séparée de lui en 1935 et qui le poursuivi de sa vindicte jusqu’à sa disparition en 1955 !).
Un appartement mausolée !
Dora Maar a disparu le 22 novembre 1997, et l’on s’aperçut alors que son appartement de la rue de Savoie était un véritable mausolée à la gloire du peintre. En octobre 1998, sur trois jours, une première vente eu lieu : des artefacts, peintures, sculptures, dessins, gravures, documents, souvenirs et autres babioles (dessins sur boite d’allumettes, papiers déchirés, etc.) de la main du peintre, tout était pieusement conservé. Près de 400 lots, « Les sédiments d’une œuvre et d’une vie », comme le dira alors Pierre Cabanne, furent proposés à l’encan sans que beaucoup puissent y voir autre chose qu’une dévotion pour celui dont elle nous a laissé – entre autres – les étapes photographiées de l’aventure de Guernica.
Aujourd’hui, Artcurial revient sur cette période importante mais aussi sur son travail, en nous présentant un fonds photographique inédit qui a pour valeur première de revenir, en photo, sur les années Dora Maar de Picasso. Mais pas seulement.
Dora Maar, Entrepôt Mark Brown Wharf (Potters Fields, Bermondsey) – Londres, 1934 © Succession Dora Maar / Courtesy Artcurial / Adagp, Paris 2022
Dora Maar, Mode (modèle sur un plongeoir), c. 1935 © Succession Dora Maar / Courtesy Artcurial / Adagp, Paris 2022
Dora Maar, Homme et jeune garçon dans la Zone, Paris, c. 1935 © Succession Dora Maar / Courtesy Artcurial / Adagp, Paris 2022
Car, si on y croise le peintre, sont aussi présents tous les grands noms qui ont accompagnés ces années-là : Paul et Nusch Eluard, Breton et sa compagne Jacqueline Lamba, Inès Sassier, Lise et Paul Deharme, Pierre Reverdy, Benjamin Perret, Pierre Prévert, etc… Mais surtout, la vente fait une part belle et très large aux travaux photographiques de Dora Maar, et c’est là que réside tout l’intérêt de la vacation. On y voit une photographe à l’aise dans son époque avec une perception très professionnelle dans son travail sur la mode, humaniste et curieuse, à l’image des Doisneau et Ronis, lorsqu’elle trimballe son regard et son appareil dans les rues. On la voit aussi à l’épreuve de ses recherches personnelles tenter des cadrages et des points de vue innovants allant même, tel Man Ray, à expérimenter des solarisations, des « rayogrammes » et autres bidouillages de laboratoire.
Tirages et négatifs originaux
Dora Maar, à laquelle le Centre Pompidou avait consacré une exposition en 2019, nous revient ici avec des tirages modernes issus des négatifs originaux. Les tirages sont limités à 5 exemplaires. Le premier tirage (1/5) est accompagné du négatif original, les deux suivants sont réservés aux ayants-droits et les deux derniers mis aux enchères eux aussi. Tous portant au verso le tampon de la succession.
Dora Maar, inédits, fonds photographique
Artcurial, 7 Rond-Point des Champs-Élysées (8e)
Exposition publique du 22 au 25 juin de 11h à 18h.
Vente le 27 juin à 19h lots (1 à 145) et le 28 juin à 14h (lots 146 à 356)
Catalogue : ici