Simon Hantaï. L’exposition du centenaire
Avec le petit catalogue de l’accrochage Hantaï au Centre Pompidou en 2013, cet ouvrage est le seul d’importance disponible sur le parcours, la vie et l’œuvre de cet artiste d’importance qui, sans concession, fit œuvre au-delà des sentiers battus. L’exposition à la Fondation Louis Vuitton (voir notre article) est à la hauteur de son travail et surtout, la plus importante, à lui, jamais consacrée. Ce catalogue sous la houlette d’Anne Baldassari – l’une des meilleures spécialistes de l’art de seconde moitié du XXème siècle et surtout de Picasso (elle fut directrice du musée éponyme de 2005 à 2014) – s’est entourée ici de témoins et de fins connaisseurs de l’œuvre d’Hantaï. Le catalogue s’enorgueillit aussi d’un très intéressant dialogue avec la veuve de l’artiste. Donc tout est réuni au mieux pour aborder et comprendre l’œuvre d’Hantaï.
L’exposition regroupe 120 œuvres des années 1957 à 2000 – naturellement toutes reproduites dans le catalogue – présentées dans un ordre chronologique et l’ensemble est chapitré selon les séries dont la démarche est clairement explicitée. Une démarche indispensable au vu d’une œuvre qui n’est pas toujours facilement abordable dans son développement. On suit ainsi non seulement la progression du travail d’Hantaï de sa période surréaliste à ses dernières œuvres, mais aussi les méandres de sa vie et l’on comprend, par exemple, les raisons qui l’ont fait abandonner toute exposition pour une vie recluse pendant une quinzaine d’années. Dénonçant par ce geste tout le marché, les spéculations et cette « culture de racaille » !
Il ne resta pas improductif pour autant et l’on nous présente ici cette période intime, ce « dernier atelier » avec des textes qui éclairent cette remise en cause. Naturellement le grand œuvre, celui pour lequel il est le plus connu, sont ses pliages-dépliages de grandes toiles blanches pliées, ficelées, peintes, éclaboussées de peintures puis déployées et tendues de façon à laisser apparaître des zones de couleurs et d‘autres blanches et qui, acmé de ses recherches, aboutissent en 1972 aux mythiquesTabulas dont certains atteignent des très grandes dimensions.
On s’en doute, une œuvre autant dominée par la volonté et les recherches ne peuvent se contenter du simple regard. Le catalogue apporte donc tout ce qui est nécessaire pour bien comprendre et aborder ce travail, l’un des plus importants du siècle. Un très imposant catalogue – qui reprend les caractéristiques de ceux consacrés aux expositions Chtchoukine et Morozov et semblerait devenir le standard pour les grandes expositions de la Fondation – marque une étape d’importance dans la bibliographie consacrée à cet artiste. De par sa taille, il présente au mieux les œuvres et les indispensables contributions sont à la hauteur de son travail.
Simon Hantaï. L’exposition du centenaire
Sous la direction d’Anne Baldassari
Coédition Fondation Louis Vuitton / Gallimard., 368 p., 49,90 €.
Penser la peinture : Simon Hantaï
En complément, les Éditions Gallimard – dans leur collection Art et artistes – nous proposent cet ouvrage de Molly Warnock nourri de réflexions et de nombreuses conversations que l’auteur eut avec l’artiste. De plus, l’ouvrage s’appuie des recherches approfondies, notamment dans les archives de l’artiste et de la galerie Jean Fournier. Un ouvrage plus érudit peut-être qui « situe les origines de cette méthode autographe dans un contexte artistique et intellectuel d’une richesse exceptionnelle, conditionné par le discours des surréalistes sur l’automatisme psychique, l’émergence de l’abstraction gestuelle et la floraison d’une plus large pensée post-hegélienne. » résume l’auteur. Pour aller plus loin…
Penser la peinture : Simon Hantaï par Molly Warnock
Édition Gallimard. Collection Art et Artistes. 288 p. 29 €
La couleur en fugue
Dans le même temps, la fondation présenta un ensemble d’œuvres ayant pour thème (un brin bateau certes) : la couleur. Profitant des œuvres éclatantes autant que colorées d’Hantaï, on nous avait aussi proposé un parcours d’œuvres ayant pour autre thème commun, en plus de la couleur, de s’être affranchi du couple habituel toile et châssis pour aller gambader dans l’espace, à l’image de ces Drapes, grandes toiles colorées suspendues et qui semblent flotter dans l’air de Sam Gilliam. Dans le même esprit, Katharina Grosse, une habituée des immenses surfaces propose des peintures in-situ, tout comme le fait aussi habituellement Niele Toroni et ses petits alignements de touches colorées. Les murs aussi s’enchantent des couleurs de Megan Rooney et enfin le regretté Steve Parrino (qui nous a quitté en 2005 à l’âge de 47 ans) joue avec ses volumes colorés faits de toiles – en ça il rejoint Hantaï – froissées, entassées, posées au sol et recouvertes d’une « monochromie de masse ». L’ouvrage consacre un chapitre à chaque artiste avec une biographie et une étude de leur parcours et de leur démarche propre.
La couleur en fugue. Sam Gilliam – Katharina Grosse – Steven Parrino – Megan Rooney – Niele Toroni
Sous la direction de Suzanne Pagé avec Ludovic Delalande, Nathalie Ogé et Claire Staebler
Coédition Fondation Louis Vuitton / Gallimard., 224 p., 30 €.