Cet ouvrage, catalogue d’une exposition qui s’est tenue à la fondation Cartier-Bresson, met en parallèle deux regards sur les Anglais, par deux photographes dont la démarche diffère en de nombreux points. Henri Cartier-Bresson, entre reportage et humanisme et Martin Parr entre ironie et sociologie. Il ne s’agit donc pas de comparer ces deux visions sur nos amis anglais, mais plutôt d’y voir deux aspects de leur société à un demi-siècle de distance. Et pourtant, il ressort de ces deux regards quelques fondamentaux de l’âme anglaise puisque qu’on est étonné que Cartier-Bresson, à la démarche qui peut être, parfois, un brin malicieuse, s’est arrêté à surprendre à Blackpool en juillet 1962, pour une commande de la télévision anglaise, quelques attitudes que ne renierait pas Martin Parr, comme si, malgré tout, il existe une constante dont il s’étonne et qui fait la joie de son cadet. Peut-être aussi que le lieu – Blackpool – ville de villégiature avec force bals, casinos et salles de jeux, se prêtait bien à l’exercice à l’un comme à l’autre.
Mais il n’y a pas que cet endroit qui a intéressé Martin Parr puisque pour lui, plus qu’un lieu, c’est avant tout un événement (mariage, célébration, fête foraine et autre match de foot ou concours agricole) qui excite sa curiosité et où il est certain d’y trouver image à sa quête. Avec toujours cette marque de fabrique qui fait œuvre de sociologue et de documentariste, et cette propension à dénicher – étudier ? – le ridicule, l’extravagant, le comique, l’absurde et quelques fois le caricatural, dans ce monde qu’il ausculte depuis quatre décennies. Cartier-Bresson, lui, a parcouru le monde dès 1930 à tout juste 23 ans, pour en ramener des reportages, des témoignages qui ont fait de lui l’un des photographes les plus reconnus à prendre le pouls du monde. Leur différence peut-être qui a forgé leur regard, si Cartier-Bresson est issu d’une certaine bourgeoisie française, Martin Parr, lui, se réclame de la middle class britannique.
Point commun : la prestigieuse agence Magnum que Cartier-Bresson crée – avec d’autres – en 1947 et qui accueillera Martin Parr en 1994… malgré l’opposition d’ Henri Cartier-Bresson ! Ironie : il en deviendra même président de 2013 à 2017. Cet ouvrage sonne comme une réconciliation. L’un comme l’autre est reconnu et exposé partout dans le monde… mais vient-on les voir avec le même regard ? La question est posée…
Cet ouvrage – conçu recto-verso avec d’un côté les images de Cartier-Bresson (inédites !) et de l’autre celles de Martin Parr – est édité par Delpire & Co, maison d’édition crée en 1951par Robert Delpire, pionnier de l’édition photographique. On lui l’on doit, entre autres, la création, en 1982, de la collection Photo Poche forte aujourd’hui de plus de 180 titres dont le numéro 2, consacré à HCB, s’est vendu à ce jour à plus de 400 000 exemplaires ! Mais surtout, cet ouvrage reprend les caractéristiques (titre et format à l’italienne) d’une autre collection « Encyclopédie essentielle », crée par Delpire et qui publia en 1958 le mythique Les Américains de Robert Franck, maintes fois réédité (et qui pourtant à l’époque n’eut aucun succès !) ainsi que Les Allemands de René Burri en 1963. Dans le même esprit, chez Delpire, on trouve aujourd’hui Les Italiens par Bruno Barbey. Et pourquoi pas à suivre : Les Belges, Les Espagnols, Les Hollandais …?
Les Anglais / The English. Henri Cartier-Bresson & Martin Parr
Éditions Delpire & Co. 220 pages. 100 photos. 42 €