La Fondation Custodia nous présente une sélection des plus beaux dessins néerlandais du XVIIIe siècle, issus d’une collection constituée au XIXe siècle par un collectionneur qui avait en son temps réuni le « Cabinet des plus merveilleux dessins ». Cet accrochage d’une grande diversité nous entraîne autant dans le quotidien des habitants qu’à découvrir de grandioses scènes de batailles navales, des scènes agrestes et autres portraits. A cette exposition, répond une autre ayant pour thème les dessins et croquis présidant à l’élaboration des arts décoratifs du 16e au 19e siècle .
Expositions « Cabinet de dessins néerlandais, le XVIIIe siècle » et « Créer et dessiner pour les arts décoratifs 1500-1900 », à la Fondation Custodia jusqu’au 14 mai 2023.
Nicolaas Muys (d’après Willem van de Velde le Jeune), La Capture du « Prince royal », le 13 juin 1666 pendant la bataille navale de quatre jours. 1787 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Ph.: Johan@artphoto.solutions
Aert Schouman (Dordrecht 1710 – 1792 La Haye), Deux passereaux indigènes, 1759 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Ph.: Johan@artphoto.solutions

Egbert van Drielst (Groningue 1745 – 1818 Amsterdam), Les Douves et les ruines du château de Haar à Haarzuilens, 1802 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Ph.: Johan@artphoto.solutions

Tethart Philipp Christian Haag (Kassel 1737 – 1812 La Haye), Intérieur d’écurie et cheval danois, 1780 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Ph.: Johan@artphoto.solutions

Simon van der Does (La Haye 1653 – après 1718 Anvers), Paysage avec une femme vêtue à l’antique festonnant le buste d’un satyre, 1706 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Ph.: Johan@artphoto.solutions

Projet pour un boîtier d’horloge Gilles-Marie Oppenord (Paris 1672 – 1742 Paris) Paris, vers 1720-1730 © Amsterdam, Rijksmuseum

Projet pour un coffret, avec des panneaux en pierre dure Giovanni Battista Foggini (Florence 1651 – 1725 Florence) Florence, vers 1710-1715 © Amsterdam, Rijksmuseum

Nous retrouvons la Fondation Custodia, nichée dans ce magnifique hôtel particulier qui fut en son temps la demeure de Turgot, pour, à l’habitude, nous présenter ses deux accrochages de printemps. L’un nous offre quelques 80 dessins issus de la collection des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et l’autre nous expose une série de dessins à destination des arts décoratifs, un prêt du Rijksmuseum d’Amsterdam.
Mais c’est surtout la première exposition, celle mise en valeur au premier étage, qui retient toute l’attention et surtout, elle est vue comme l’héritage de Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia depuis 2010 et qui a disparu soudainement le 19 décembre dernier. C’est lui qui fut à l’initiative de la venue à Paris de cette exposition, véritable immersion dans un cabinet de dessins néerlandais du XVIIIe siècle.
Présentée sous le titre de « Cabinet des plus merveilleux dessins », l’exposition tient largement sa promesse ! Pourquoi spécialement ce XVIIIe siècle ? Parce qu’à cette époque, le dessin connaît un essor sans précédent pour une simple raison benoîtement pragmatique – nous explique Stefaan Hautekeete, conservateur à Bruxelles de cette collection, que si peintures et tapisseries tenaient jusque-là le haut du pavé des collectionneurs comme des bourgeois, leurs murs furent rapidement saturés et, comme le notait un amateur d’alors : « les dessins comme les estampes, se collectionnent et se conservent sans prendre de place. Un seul album, une seule farde (se dit d’une chemise ou d’un dossier ndlr) peut contenir tout un cabinet des plus merveilleux dessins et gravures. »
La présentation que nous propose aujourd’hui la Fondation Custodia, au travers de 80 feuilles d’exception, est issue d’une collection formée par Arnoldus Josephus Ingen Housz (1766-1859), qui était le contemporain de plusieurs des artistes exposés, donc un collectionneur de l’art moderne de son temps ! Par héritage, elle passa ensuite entre les mains d’un certain Josephus de Grez (1807-1902), dont le neveu, qui en hérita à la mort de ce dernier, en fit don à l’état belge. Le legs fut déposé aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Une collection qui était forte de 4 250 feuilles lors de sa passation par héritage à Josephus de Grez qui l’enrichit à son tour pour devenir « la plus importante qui soit en Belgique ».
Dans cette présentation, tous les thèmes sont présents, des scènes
Hermanus van Brussel (Haarlem 1763 – 1815 Utrecht), Le Popelingsgat à Haarlem, vu en direction de la Korte Annastraat, 1800 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Ph.: Johan@artphoto.solutions
mythologiques à celles de la vie quotidienne, de l’histoire aux paysages ou encore à des représentations naturalistes, des natures mortes et naturellement des esquisses préparatoires pour des œuvres peintes futures. Les scènes de la vie quotidienne sont toujours de celles qui retiennent le plus l’attention permettant de visualiser, au plus proche de la réalité, la vie dans cette partie septentrionale de l’Europe. Elles peuvent être agrestes (Berger et son troupeau passant devant un champ de blé de Jacob Cats, Deux vachers et leurs bêtes devant une cascade de Jacob van Strij), ou donnant à voir la vie de tous les jours comme ce Paysage d’hiver avec patineurs de Jacob Cats aux évident accents breughéliens ou encore nous faire pénétrer dans des intérieurs à la découverte de l’intimité des habitants d’alors (Vieillard assis, en appui sur sa cane d’Abraham van Strij ou Visite chez une dessinatrice de Tibout Regters).
Du paysage à la peinture d’Histoire
Le paysage et la peinture d’histoire sont les deux thèmes les plus présents. L’un comme l’autre est aussi dominant dans l’œuvre peint. Du premier, on admire les nombreux paysages convenus, bords de canaux ou de rivières (Le moulin de Liefde (L’Amour) et la rivière Ij près d’Amsterdam de Paul Constantin la Fargue), village blotti autour de leur église (Leiderdorp, vue du nord-ouest de Dirk Verrijk ou Vue de Huizerpoort à Buren de Paul van Liender) avec cette économie de couleurs qui donne à ces paysages une certaine quiétude, une douce tranquillité et les nimbes d’une aura que l’on prête, dans la mémoire collective, au Nord. Le soleil n’est jamais présent, les ciels, jaunes ou gris couvrent ce monde paisible aux accents rousseauistes. En revanche, le mouvement, les éléments, la force ne sont jamais
Jacob Cats (Altenau 1741 – 1799 Amsterdam), Paysage d’hiver avec patineurs, 1798 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Ph.: Johan@artphoto.solutions
mieux représentés que dans ces peintures d’Histoire, genre le plus prisé alors. Et ce peuple de marins, qui conquit alors une bonne partie des océans, installa un commerce depuis les contrées lointaines, fut aussi un peuple belliqueux comme le montre ces fougueuses aquarelles (La Capture du « Prince royal », le 13 juin 1666 et Quatre vaisseaux anglais captifs sont amenés au Goereese Gat le 16 juin 1666 toutes deux de Nicolaas Muys) relatant des batailles navales avec force, voiles déchiquetées par la canonnade et navires enchevêtrés, témoins d’une bataille navale d’importance en juin 1666 entre les Pays-Bas et l’Angleterre dans laquelle 200 navires et 40 000 marins s’affrontèrent !
Histoire enfin à laquelle nous convie la relation de ce cortège funèbre (Cortège funéraire de la princesse Anne de Hanovre à la Haye, le 23 février 1759 par Paul Constantin la Fargue) dans lequel, sur 40 cm, le peintre réussit à nous entraîner, comme spectateur, au long cortège d’une cinquantaine de dragons qui accompagne la dépouille de la princesse, alors que, le long de la rue et aux fenêtres de maisons, des centaines de spectateurs suivent la scène.
Dessiner pour fabriquer
L’autre exposition, titrée Créer. Dessiner pour les arts décoratifs 1500-1900, est consacrée aux dessins d’arts décoratifs, ces croquis à la plume, à l’encre, au crayon ou à l’aquarelle qui président à l’élaboration, la fabrication et au façonnage de pièces d’ameublement ou de décoration. Cadres, meubles, luminaires, etc., objets à destination des dignitaires qui les avaient commandés, et qui ornaient leur demeure ou des édifices religieux. Ils sont aujourd’hui le témoignage du mode de vie en Europe, entre la Renaissance et l’orée du XXe siècle. Si ces feuilles restent en grande partie anonymes, elles révèlent parfois la main d’un artiste connu – ébéniste, orfèvre, sculpteur ou peintre – ou peuvent être rattachées à son atelier. Ils sont un élément clé de leur conception, de leur fabrication ou encore de leur commercialisation. Les différentes étapes de la création et de l’existence d’un objet impliquaient de nombreuses personnes : artistes concepteurs, artisans et exécutants spécialisés, mais aussi potentiels acquéreurs ou commanditaires. Ces protagonistes trouvèrent dans les dessins un support de communication visuelle nécessaire à leurs échanges ou leurs négociations.
Fondation Custodia, 121 rue de Lille (7e).
Tous les jours sauf le lundi de 12h à 18h.
À voir jusqu’au 22 septembre
Accès :
Métro : Assemblée Nationale (ligne 12) ou Invalides (lignes 8 et 13)
RER C : Invalides ou Musée d’Orsay
Bus : lignes 63, 73, 83, 84, 94, arrêt Assemblée Nationale
Site de la Fondation Custodia : ici
Catalogues
Cabinet des plus merveilleux dessins
Dessins néerlandais du XVIIIe siècle issus des collections des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
Éditions Snoeck, Gand et les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 2019
223 pages, env. 135 illustrations en couleur. 29 €
Process. Design Drawings from the Rijksmuseum 1500–1900
Rotterdam, nai010 publishers, 2022. En anglais
400 pages, environ 350 illustrations en couleur. 49.00 €