Pour sa réouverture, le Musée de la Poste à Paris, dont on ne s’imagine pas toujours tous les trésors qu’il contient, édite un important ouvrage qui fait le point non seulement sur sa collection mais nous offre aussi et surtout une histoire de la Poste à travers les âges. Une histoire qui se confond souvent avec la grande Histoire dans cette quête à relier les hommes depuis le XVe siècle.
Posté le 15 décembre 2019
Claude Viallat, Sans titre n° 70, Acrylique sur sac postal © Adagp, Paris, 2019 / Musée de La Poste – La Poste, 2019
La Poste, qui nous semble si banale, a une longue histoire qui souvent se confond avec la grande Histoire tant elle fut au service des rois, des armées et surtout de tous les citoyens de notre pays. Relier les hommes, ce besoin se fait sentir dès 1476 lorsque Louis XI met en place un service de messagerie à cheval, courant d’un relais à l’autre, des relais permettant à ses messagers d’échanger un cheval fourbu contre un tout frais et reposé. Car si l’homme peut « avaler » de longues distances, il n’en est pas de même pour les équidés qui doivent après une douzaine de kilomètres franchis à bride abattue, se reposer. On imagine donc le nombre de « relais de postes » qu’il a fallu installer d’autant que si à cette date ce service de transmission des messages était réservé exclusivement aux dépêches royales, il deviendra, bien que très onéreux, public au début du 16e siècle et vraiment démocratique à la fin du même siècle.
Jean Cocteau, Un projet du timbre-poste de la Marianne 1960-1961 © Adagp / Comité Cocteau, Paris, 2019 / Musée de La Poste – La Poste / Thierry Débonnaire, 2019
Ci-dessus : Paire de bottes de postillon en cuir, fin 18e siècle. Ci-contre : Sac à picotin de la poste aux chevaux, Toile de jute, 19e © Musée de La Poste – La Poste / Thierry Débonnaire, 2019
De 252 relais en 1584, on en compte près de 2000 en 1854 couvrant toutes les régions le long des routes principales. Puis le chemin de fer, plus rapide et pratique, prendra le relais, suivi du bateau, de l’avion et des camions et camionnettes au siècle dernier. Cette évolution de la poste est ici passée en revue avec ses relais, ses postillons, ses messageries, ses diligences puis ses wagons dans lesquels le tri était effectué en roulant jusqu’au transport par TGV dont le service est arrêté en 2015 au profit du transport routier ou aérien.
L’étranger est lui touché, avant le développement de l‘aviation, par la poste maritime dans laquelle les sacs postaux sont confiés aux grands transatlantiques ou tout bonnement à des « paquebots-poste » qui sillonnent les mers du globe. Les lettres en provenance des pays touchées par la peste ou le choléra sont désinfectées par un étonnant procédé dans lequel on les incise de dizaines de trous au moyen d’un pince puis soumises à un bain de vinaigre (qu’en était-il de leur lecture ensuite ?) ou passées dans une fumigation !
Les pionniers de l’Aéropostale
L’ouvrage aborde naturellement le transport aérien avec ses pionniers qui, dès 1911, tentent des traversées hasardeuses. Le premier, Henri Péquet va transporter, entre deux villes indiennes distantes d’une dizaine de kilomètres, 15 kg de lettres ! Puis en 1919 une première ligne relie Toulouse à Rabat et enfin Mermoz ouvre la voie de l’Amérique du Sud en mai 1930 après 21 heures de vol !
C’est le début des grandes heures de l’Aéropostale, lignes reprises par Air France crée en 1933. S’ensuit dans cette somme sur l’histoire de la Poste et des communications, l’arrivée du télégraphe et du téléphone puis du Minitel et des premiers essais de téléphonies mobiles avec le pétillant bip bop ancêtre de nos Smartphones actuels.
Les hommes ne sont pas oubliés avec les bureaux de postes, les facteurs et les grandes dates de cette institutions comme la mise en place de ballons et autres « boules de Moulins » (je vous laisse découvrir dans l’ouvrage l’histoire de cette étonnante invention pour contourner les lignes prussiennes pendant la Guerre de 1870). Et enfin, la poste que nous connaissons avec le timbre, les collections philatéliques et le fond d’art moderne et contemporain qu’a constitué ce musée d’entreprise.
Un musée entièrement rénové
Quelques mots sur le musée qui, après quatre ans de rénovation, a redéployé ses collections sur 5000 m2. Le musée accueille des espaces pour les expositions temporaires et permanentes, des surfaces dédiées à l’administration, à la recherche et à la conservation des œuvres. Il comprend aussi un auditorium, des lieux privatisables, des espaces de réunion et l’indispensable boutique. Le bâtiment se structure de la façon suivante : le rez-de-chaussée est dédié à l’accueil des visiteurs, aux expositions temporaires et aux ateliers pédagogiques. Une
Joan Miro, œuvre originale, maquette du timbre, gouache, 1974 © Adagp, Paris, 2019 / Musée de La Poste – La Poste, 2019
boutique est installée au 1er étage dans une mezzanine surplombant le hall d’entrée, puis s’ensuit trois plateaux d’exposition, les bureaux administratifs aux 5e et 6e étages et enfin surplombant le tout, l’auditorium et l’espace de réception au 7e étage.
Et pour finir quelques chiffres qui illustrent le contenu de ce musée atypique. Les collections philatéliques constituent plus de 70% des fonds du Musée de La Poste, bénéficiaire et gestionnaire pour l’État du dépôt obligatoire des archives de fabrication des timbres-poste français. Le musée conserve 450 000 pièces à fort intérêt patrimonial dont 370 000 pièces pour les archives de fabrication du timbre-poste français depuis 1849, date d’émission du premier timbre-poste de France. Un second ensemble philatélique de 80 000 pièces regroupe 45 000 marques postales, 30 000 pièces de matériel d’affranchissement et 5 000 entiers postaux.
Un fonds d’art contemporain
Les fonds imprimés rassemblent quant à lui 30 000 ouvrages et 830 titres de périodiques. Ayant développé, depuis les années 1990 une série de timbres dédiée aux grandes œuvres d’art, la Poste a pu alors se créer un fonds d’art contemporain, et qui compte en plus des maquettes de timbres faites par des artistes comme Jean Cocteau, Joan Miro, Pierre Soulages, Alfred Manessier, Pierre Alechinsky et Geneviève Asse entre autres, 5 000 pièces relevant du « Mail Art » et 200 œuvres d’art illustrant le domaine de « l’art postal ».
Les collections d’histoire postale sont riches d’environ 37 000 œuvres, objets et documents iconographiques illustrant l’histoire et les métiers de la Poste en France du XVIIe siècle à nos jours et portent également sur le télégraphe Chappe, le télégraphe électrique et le téléphone. Et enfin, le fonds photographique totalise plus de 225 000 clichés qui évoquent l’activité postale depuis la fin du XIXe siècle.
On ne s’imagine pas tout ce qu’il y a dans le temps, l’Histoire et le quotidien derrière la lettre qui arrive dans notre boîte, ou le coup de fil à l’autre bout du monde. Ici, on le découvre dans ce musée dédié à cette « institution que le monde entier nous envie » comme le proclamait, avec raison, Jean Gabin dans Le cave se rebiffe !
Musée de la Poste 34 boulevard de Vaugirard, Paris 15e
Ouvert du mercredi au lundi de 11h à 18h (fermé le mardi)
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Accès :
Métro : lignes 4, 6, 12 et 13 station Montparnasse-Bienvenüe. Lignes 6 et 12 station Pasteur. Ligne 12 station Falguière.
Bus (arrêt Musée Postal) : lignes 28, 39, 88, 89, 91, 92, 94, 95, 96
Site du musée : www.museedelaposte.fr
Catalogue :
Histoire et art postal
Sous la direction de Mauricette Feuillas, Catherine Chauvière et Jeanne Marais
Editions Musée de la Poste. 400 p. plus de 1000 ill. 39 €