Soixante-quinze chefs d’œuvre de la peinture italienne de la Renaissance sortent pour la première fois de la collection étonnante d’un homme d’affaire chilien pour nous être présentés. Tous les plus grands maîtres italiens comme Fra Angelico, Uccello, Lippi, Bellini, Carpaccio, Tintoret ou Véronèse sont présents dans le cadre de la Collection Alana au musée Jacquemart-André.
Posté le 18 décembre 2019.
Exposition à visiter jusqu’au 20 janvier 2020.
Vue actuelle de la Collection Alana au domicile de nos collectionneurs © Allison Chipak
Guariento, (Padoue, 1338 – 1370), Triptyque avec la Crucifixion et saint Jean-Baptiste, saint Barthélémy, saint André et sainte Catherine, vers 1360 © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo : Allison Chipak

Collaborateur de Botticelli (Maître des monuments gothiques), (Florence, (fin du XVe au début du XVIe), Le Christ en croix adoré par des saints, vers 1490 © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo : Allison Chipak

Cosimo Rosselli (Florence, 1439 – 1507), Le Christ en homme de douleur, vers 1490 © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo : Allison Chipak

Antonio Vivarini, (Venise, actif de 1440 à 1476-1484), Saint Pierre Martyr exorcisant un démon ayant pris les traits d’une Vierge à l’Enfant, vers 1450 © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo : Allison Chipak

Orazio Gentileschi (Pise 1563 - Londres 1639, La Vierge et l'Enfant, vers 1610-1612 © © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo : Allison Chipak

Jacopo da Ponte dit Jacopo Bassano (Bassano (vers 15010 - 1592) L'Adoration des bergers, vers 1562-1563 © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo : Allison Chipak

Les murs sont couverts en une sorte de mastaba dorée servant d’écrin à cette collection qui occupe tout l’espace jusqu’à saturation d’œuvres de la Renaissance italienne. Bienvenu dans l’appartement d’un certain Àlvaro Saieh, homme d’affaire chilien, banquier plus exactement, qui vit à Newark dans le proche banlieue de New York entouré d’une des plus étonnantes collections qui soit. Chez Àlvaro Saieh et son épouse Ana Guzmàn Ahnfelt – leur collection dite Alana, mot composé à partir de leur deux prénoms – le mot passion prend tout son sens comme le montre les images de l’appartement du couple et surtout les 75 œuvres sorties de leur collection, le temps d’un accrochage – le premier chez nous – de trésors signés des plus grands noms de cette phase de l’art qui termine le Moyen-Âge et s’étire jusqu’aux temps baroques.
On se dit en voyant cet amoncellement de dorures, de saints, de vierges, de visions bibliques que cette étonnante collection doit tout à la passion. Une passion est toujours sans limite. Une collection, la plus importante consacrée à l’art de la Renaissance italienne, est d’évidence le fruit d’une incessante quête, commencée par un coup de cœur pour une Madone, œuvre de Giovanni Battista Salvi dit Sassoferrato acquise lors d’une vente chez Christie’s. Il n’en fallait pas plus pour que notre couple commence la quête d’une vie. Et de développer une collection à contre-courant des tendances actuelles, à tel point que celle-ci est devenue, au fil du temps, la plus importante au monde sur cette période de l’art.
Un art qui fait appel à une culture approfondie tant souvent les attributions peuvent être difficiles, l’authenticité et les garanties demandant une expertise pointue, Àlvaro Saieh comprit vite qu’il ne pouvait assouvir sa passion qu’en se faisant aider. Il se tourna donc vers un spécialiste incontestable de l’art médiéval et de la Renaissance : Miklós Boskovits, professeur au Kunsthistoriches de Florence qui conseilla le couple dans ses choix et édita les trois volumes du catalogue raisonné de leur collection. Le choix du musée Jacquemart André pour cette présentation n’est pas le fait du hasard, ici, notre couple a su retrouver une proximité avec ceux qui occupèrent ce lieu. Effectivement, la collection Jacquemart-André conserve, elle aussi dans cet hôtel particulier qui sent bon son XIXe florissant, une belle sélection d’œuvres de la même époque, dans un accrochage qui n’est pas sans rappeler le salon de nos deux collectionneurs. Surement l’élément déclencheur du choix de ce musée lui aussi atypique.
Lorenzo Monaco, (Florence, vers 1370 – 1425), L’Annonciation, vers 1420-1424 © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo :Allison Chipak
Botticelli, Fra Angelico, La Tintoret ou Raphaël…
Cette collection comporte aussi bien de grands noms (Botticelli, Fra Angelico, La Tintoret ou Raphaël…) que d’œuvres dues à de petits maîtres, mais force est de reconnaître que toutes sont d’une grande beauté, d’une extrême délicatesse et donne parfaitement à voir toute l’étendue de l’art de cette période charnière.
L’homme est discret et c’est la première fois, bien qu’il prête souvent des pièces pour des expositions à travers le monde entier, qu’il a accepté une exposition ayant pour sujet sa collection en elle-même. Et les œuvres accrochées dans les deux premières salles le sont telles que présentées chez nos collectionneurs, couvrant entièrement les murs.
Cette première salle présente des panneaux d’une Renaissance précoce des XIVe et XVe siècle en un travail subtil sur les figures et dont certaines, comme ce triptyque de Guariento (1338-1370), qui, dans sa forme et son encadrement, conserve des accents gothiques très présents. Tout comme cet étonnant archange Gabriel due à Morenzo Monaco (vers 1370-1425), œuvre maîtresse du Quattrocento qui a été choisie pour la communication de l’exposition et qui est le parfait exemple d’une œuvre de transition conservant encore des accents gothiques mais déjà ouverte à la révolution humaniste en cours.
Des grands maîtres aux anonymes
S’ensuit une présentation d’œuvres majeures des XIIIe et XIVe siècle, des primitifs italiens aux grands maîtres du Quattrocento et du Cinquecento mais aussi par d’autres moins connus voire anonymes comme cet élève, un certain Polidoro Caldara (1492-1543) qui fut de l’atelier de Raphaël. Les salles suivantes sont consacrées à la spiritualité florentine sous l’égide de Savonarole qui institua une véritable dictature théocratique sur la ville à la fin du XVe siècle avec ici, en point d’orgue, un extraordinaire Christ de douleur de Cosimo Rosselli (1439-1507) de finesse et de minutie à destination d’une méditation compatissante sur les souffrances du Christ.
Francesco Granacci (Villamagna 1469 – Florence 1543), Lamentation sur le Christ mort avec saint Jean-Baptiste et des fidèles © Collection Alana, Newark, DE, États-Unis / Photo : Allison Chipak
Débordant son cadre, Àlvaro Saieh a décidé d’ouvrir sa collection aux XVIe et XVIIe siècle ce qui nous vaut une salle réservée à la grande peinture vénitienne qui, dans la lignée de Titien voit les Tintoret, Véronèse et Basano – avec une Adoration des bergers très naturaliste – marquer de leur art la Cité des Doges. À admirer dans cette section une magnifique et typiquement vénitienne Crucifixion par Giovanni Gerolamo Savoldo (vers 1480 – après 1548) et du Tintoret (1518-1594) cette immense œuvre de plus de 2,30 m de large, Épisodes d’une bataille, qui met en scène les Israélites contre les Philistins et, en anecdote sur la droite de la toile, le combat de David contre Goliath. Véronèse (1528-1588) est aussi
présent avec Les Symboles des quatre évangélistes dans lequel les évangélistes sont représentés par leur animal symbole entourant un ange tenant un Évangile ouvert.
Splendeur de la cour des Médicis
S’ensuit une évocation des splendeurs de la cour des Médicis de retour à Florence après la parenthèse Savonarole, avec les accents des débuts du baroque représentés par cette représentation de L’Annonciation par Annibal Carrache (1560-1609) et une autre par Orazio Gentileschi (1563-1639) déjà éclatante de couleur et de magnificence. De ce dernier on remarquera aussi une très maternelle Vierge et l’Enfant d’une belle tendresse qu’elle pourrait être une simple maternité.
Ce panorama permet aussi de voir toutes les composantes stylistiques de cette période phare, de comprendre aussi les différentes influences qui se jouaient sur les scènes florentines, vénitiennes, siennoises ou romaines faites de compétitions et d’échanges. Une magnifique présentation des plus belles pièces d’une collection hors-pair et à contre-courant des normes actuelles. Une présentation rare, parfaite en ces temps de fêtes.
Musée Jacquemart-André, 158 boulevard Hausmann (8e).
À voir jusqu’au 20 janvier 2020.
Tous les jours y compris les jours fériés de 10h à 18h. Nocturnes les lundis jusqu’à 20h30 en période d’exposition.
Accès :
Métro : Lignes 9 et 13, stations Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-Philippe-du-Roule
RER : Ligne A, station Charles de Gaulle-Étoile
Bus : Lignes 22, 43, 52, 54, 28, 80, 83, 84, 93
Site du musée : http://musee-jacquemart-andre.com/fr/home
Catalogue
La Collection Alana, chefs-d’œuvre de la peinture italienne
Editions Fonds Mercator. 216 p. 35 €