ALECHINSKY, TRAVAUX D’ACCOMPAGNEMENT

Ambidextre, le choix de ce titre pour cette réédition d’écrits (dans la « blanche » chez Gallimard) n’est naturellement pas le fruit du hasard. Ambidextre, qui se sert à parité égale de ses deux mains prend chez Pierre Alechinsky la forme d’une litote, lui qui, s’il est plus connu comme peintre – descendant de CoBrA – est aussi un littérateur et un poète à l’œuvre conséquent. Il nous livre dans cet ouvrage une compilation de textes, récits, aphorismes, calembours (« Même un fantôme lave son drap » ou « Peindre une toile vierge avec son consentement » ces fientes de l’esprit qui volent dixit le grand Hugo), anecdotes, souvenirs de rencontres et autres choses vécues et réfléchies, agrémentés de dessins, peintures et photos. Au fil des pages on y croise ses amis Jorn, Pedersen, Dotremont, Appel naturellement mais aussi Tardieu, Miró, Ting, Michaux, van Velde (Bram), Gironella…
Si Alechinsky a, tout au long de sa vie, concilié ces deux natures, dans cette galerie, installée sous les auspices de la grande maison d’édition, il nous donne à voir la rencontre de ses deux passions, les illustrations – ses travaux d‘accompagnement comme il le dit si joliment – de textes d’amis ou d’autres, de grands textes, avec cette élégance de la plume et du pinceau allié à une dextérité de gravure qui rendent à ces textes imagés une certaine préciosité.

Si aujourd’hui la bibliophilie n’est plus ce qu’elle était et qu’en notre monde numérisé elle prend des allures passéistes, il faut reconnaître que certains s’acharnent, avec grâce et talent, à continuer cette pratique datant des premiers temps de l’imprimerie. Alechinsky donne ainsi aux auteurs qu’il accompagne non seulement une sublimation de leurs textes mais sa main se joint à la leur pour former un tout, cette «rêverie qui trotte» et court le long des pages venant sublimer les écrits d’Apollinaire comme de Proust, Butor, Stétié, Tardieu, Cioran, Bonnefoy pour n’en citer que quelques-uns.
Ici sur les murs de cet endroit calme et reposant s’étale plus d’un demi-siècle d’illustrations pour les « grands papiers » de ces grands écrivains et poètes.
Dans ces travaux d’accompagnement, qui prend l’autre par la main ? L’écrivain ou le poète qui laisse l’esprit du peintre vagabonder ? Ou le peintre qui ouvre à l’écrit une autre vision ? Qu’importe l’accord est parfait pour cet artiste qui aime à dire « je suis un peintre qui vient de l’imprimerie ». Oui, l’accord parfait…