Des dessins italiens des XVe au XVIIIe siècle aux gravures contemporaines de deux graveurs hors pair, la Fondation Custodia, en ce printemps, reste fidèle à sa mission : nous donner à voir le meilleur des œuvres sur papier d’hier et d’aujourd’hui.
Posté le 28 février 2020
Exposition à visiter jusqu’au 10 mai 2020
Siemen Diskstra. De Bork 2017 © Siemen Diskstra / Adagp Paris 2019 / Ph.: Bert de Vries, Beeldwerk
Donenico Beccafumi. Trois prophètes © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris

Andrea del Sarto Tête de femme légèrement tournée vers la droite. Vers 1517 © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris

Mariotto Albertinelli. Huit études d'enfants nus © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris

Anna Metz. Branches d'hiver, 1999-2007 © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris

Siemen Dijkstra. Chêne solitaire 2019 © Siemen Diskstra / Adagp Paris 2019 / Ph.: Bert de Vries, Beeldwerk

Siemen Dijkstra. Au-dessus de la lisière du bois Fochtel n°2. 2018 © Siemen Diskstra / Adagp Paris 2019 / Ph.: Bert de Vries, Beeldwerk

Dans ce magnifique hôtel particulier qui abrita autrefois le ministre Turgot et aujourd’hui la Fondation Custodia (la plus importante collection particulière au monde de dessins et estampes), les trois expositions de printemps que l’on nous propose font le grand écart. Au premier un accrochage de dessins italiens du XVe au XVIIIe siècle et, à l’habitude, dans d’autres salles on nous offre à découvrir le travail de deux artistes contemporains : Anna Metz et Siemen Diskstra, deux graveurs hors pair.
Sous le titre « Dessiner la figure 1450-1700 », la Fondation Custodia nous propose une exploration de la figure en nous accrochant 90 feuilles maîtresses de son fond riche de plus de 600 feuilles italiennes (disponibles ici à la consultation en ligne). Inutile de rappeler toute l’importance du dessin qui, s’il est œuvre en lui-même, est aussi et souvent l’esquisse, la recherche voire la mise en place qui précède au grand œuvre de chevalet. Les feuilles qui nous sont ici présentées s’étalent donc de la Renaissance au baroque avec, en tête de pont des œuvres dues à Filippino Lippi, Andrea del Sarto, Federico Barocci, les Carracci, Palma il Giovane ou encore Guercino.
On sait que la Renaissance italienne fit de l’humain, dans sa dimension autant religieuse que profane, le centre de sa révolution, le plaçant dans des situations qui, à contrario des scènes souvent figées et attendues des siècles antérieurs,
Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino. Cinq études pour Marie-Madeleine, vers 1620 © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris
le faisait évoluer dans des espaces narratifs qui appelaient à lui donner attitudes et mouvements. A l’image de cette recherche pour une Marie-Madeleine par Giovanni Barbieri représente sur la même feuille, cinq attitudes de la sainte dans diverses poses en une sorte de répertoire dans lequel il pouvait puiser pour des œuvres d’importance à venir.
Les dessins qui nous sont proposés tournent tous autour de la figure, nous montrant les expérimentations effectuées par les peintres autant sur les expressions du visage que sur le corps, son installation dans l’espace, son assemblage en plusieurs parties ainsi que les recherches de compositions avec des contraintes données par le sujet, son environnement et autres effets de lumière et d’ombre recherchés.
Deux graveurs hors pair
En plus de son exposition principale en générale axée sur le dessin et la découverte de ses collections, dans cette vocation qu’a la fondation, de nous faire découvrir des artistes contemporains, on nous propose aujourd’hui d’aller à la rencontre des créations d’Anna Metz et surtout de Siemen Dijkstra.
Anna Metz, né à Rotterdam en 1939, n’a pu véritablement s’adonner à temps plein à sa passion, la gravure, que lorsqu’elle fut libérée de l’éducation de ses trois enfants. Son art en rien narratif s’arrête sur des éléments de paysages ou des choses dont il semble que la retranscription sur la plaque à graver est plus importante que le sujet en lui-même. En cela, elle expérimente, cherche des effets en laissant libre cours aux morsures de l’acide sur sa plaque, en apportant à sa technique des éléments extérieurs – tissus, feuilles ou autre – qui modifient chaque impression rendant ainsi chaque tirage unique.
Siemen Diskstra. Arboretum n°2, Wemmebove, 2013 © Siemen Diskstra / Adagp Paris 2019 / Ph.: Bert de Vries, Beeldwerk
Au sous-sol nous attend une vraie surprise, une belle découverte, celle de Siemen Dijkstra né en 1968 à Den Helder, un village situé à l’extrémité nord de la Hollande. « On a du mal à imaginer qu’une main humaine puisse faire ça » c’est en résumé par ces mots que Gaëlle de Bernède, qui préside à la communication de la fondation Custodia, nous présente cet étonnant artiste. Et effectivement, Siemen Dijkstra travaille des gravures d’une incroyable beauté, mêlant à une technique rare une approche à la fois très réaliste, rousseauiste, poétique et d’une grande beauté. Une sublimation du paysage, cherchant, dit-il « à capturer sur papier l’expérience spatiale d’un paysage ». Et force nous est de constater qu’il y
arrive tant on est absorbé, plongé en plein dans les morceaux de territoires revisités par la dextérité de sa main. Il semble faire corps avec sa province, craignant, avoue-t-il, de voir disparaître cette nature qu’il sublime.
Même pour l’œil habitué aux prouesses il faut avouer que l’on reste fasciné et en admiration pour ce travail d’une extrême préciosité. L’effet est encore plus étonnant quand on connaît sa technique dite du « bois perdu ». Un peu de technique permet de mieux appréhender ce travail qui est une véritable découverte. À l’instar des artistes qui gravent (cuivre, pierre lithographique, burin ou autre) une planche par couleur, c’est la superposition des différents passages, planche après planche qui donnent l’estampe finale.
Ici Siemen Dijkstra lui travaille sur une seule planche qu’il grave couleur après couleur, faisant entre chaque gravure ses tirages de la couleur qu’il vient de creuser et qui, passage après passage s’aglutinent les unes aux autres. Une de ses estampes peut demander une bonne vingtaine de couches pour lesquelles il doit comprendre et anticiper les tons et mélanges de tons que donneront ses couleurs superposées.
Inutile de dire que l’exercice est des plus risqués et encore plus lorsque l’on voit le résultat car il ne va pas à la facilité avec ses sous-bois, ses paysages très fouillés, ses bords de mer et autres vallons fleuris avec des effets de lumière ou de brume. D’autant que certaines de ses gravures atteignent un bon mètre de long englobant comme avec les objectifs grand angle une étrange globalité ! C’est aux alentours du village de Dwingeloo, dans la Drenthe aux Pays-Bas où il réside qu’il trouve toute matière à son art. Là, dans cet endroit unique, landes et tourbières authentiques jouxtent les terres agricoles et boisées ce qui, aussi ne l’a pas empêché d’aller contempler ailleurs, de par le monde, des paysages à étudier. À découvrir absolument !
Fondation Custodia, 121 rue de Lille (7e).
Tous les jours sauf le lundi de 12h à 18h.
À voir jusqu’au 10 mai 2020
Accès :
Métro : Assemblée Nationale (ligne 12) ou Invalides (lignes 8 et 13)
RER C : Invalides ou Musée d’Orsay
Bus : lignes 63, 73, 83, 84, 94, arrêt Assemblée Nationale
Site de la Fondation : www.fondationcustodia.fr
Catalogues
Siemen Dijkstra. À bois perdu
Gijsbert van der Wal
Paris, Fondation Custodia, 2020
196 pages, 150 repr. en couleurs
Édition bilingue français-néerlandais
29,00 €
Anna Metz. Eaux-fortes
Jan Piet Filedt Kok et Gijsbert van der Wal
Paris, Fondation Custodia, 2020
163 pages, 100 repr. en couleurs
29,00 €