Une malédiction semble planer sur Wols qui, après un demi-siècle d’absence, était enfin attendu au Centre Pompidou pour un accrochage d’une centaine d’œuvre. Malheureusement, un virus malfaisant a anéanti trop tôt cet espoir. Reste de cet éphémère hommage cet indispensable catalogue, l’un des rares sur l’œuvre de cet étrange compagnon de route des surréalistes.
Quelle malédiction poursuit donc Wols (1913-1951) ? Alors qu’il nous aura fallu attendre un demi-siècle pour revoir une institution nous proposant d’aller à sa rencontre, une épidémie le renvoie dans les limbes ! Son exposition au Centre Pompidou, qui allait pouvoir à cet artiste plutôt confidentiel d’être enfin (re)découvert, n’aura vécue qu’à peine deux semaines ! Et pourtant, Wols dont l’œuvre, proche du surréalisme, est une référence absolue pour les historiens de l’art. Pour preuve, dès 1946, Georges Salles, alors directeur des Musées de France, avait compris l’importance de Wols alors inconnu, et fait l’acquisition de quatre de ses aquarelles. Son travail relève aussi du domaine du mythe pour un certain nombre de collectionneurs, qui lui vouent un véritable culte, gardant jalousement dans leur collection ses œuvres. Et enfin – toujours cette malédiction ? – Wols chassé de son pays par la montée du nazisme est arrêté en 1940 et disparait prématurément à l’âge de 38 ans, il est inutile de préciser que ses œuvres sont extrêmement rares.
D’où tout l’intérêt de cet accrochage – après celui du Musée d’Art moderne de Paris en 1973 – qui nous présentait une centaine d’œuvres – dessins, quelques peintures et une vingtaine de photographies – permettant la (re)découverte de son travail. Reste donc ce catalogue comme une trace ultime de cet éphémère accrochage.
Né Alfred Otto Wolfgang Schulze en mai 1913 à Berlin dans une famille bourgeoise, son enfance est bercée par les arts, milieu que son père, juriste représentant du gouvernement de Saxe à l’Académie des beaux-arts, fréquente. La mort de ce père, alors que Wols est âgé de 16 ans, sonne la fin des années d’insouciance. Il quitte ses études et tente plusieurs voies, dont la musique – le directeur de l’opéra de Dresde le disait très doué pour le violon – la mécanique, les arts appliqués avant de sembler se fixer sur la retouche photographique chez un portraitiste très lié aux milieux de l’avant-garde artistique.
La montée du nazisme le voit, en 1932, quitter l’Allemagne pour la France. Néanmoins, et parce qu’Allemand, il est arrêté et interné au camp des Milles, où transiteront aussi Max Ernst et Hans Bellmer. Il pourra enfin sortir en octobre 1940 grâce à son mariage avec son amie Hélène Dabija, dite Gréty, une française d’origine roumaine rencontrée en février 1933. S’ensuit, comme beaucoup d’artistes alors, une vaine tentative d’émigration aux États-Unis. Pendant cette période il survit chichement en vendant quelques dessins et aquarelles. C’est après-guerre que les choses commenceront à se décanter. Il lui faudra attendre l’exposition chez Drouin, suivie par d’autres dans des galeries étrangères pour qu’enfin son nom circule… Sans pour autant, lui apporter de quoi subsister. Sartre, le Castor ou encore Picasso volent souvent à son secours financièrement. Affaibli au sortir d’une cure de désintoxication pour son alcoolisme chronique, il décède le 1er septembre 1951 suite à… une intoxication alimentaire !
Des compostions biomorphiques et protozoaires
C’est donc l’espoir de devenir photographe qui l’amène à Paris en 1932, et il le sera quelques temps grâce à son introduction
Sans titre (ancien titre : Composition), 1944-1945 © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Audrey Laurans/Dist. RMN-GP / Adagp Paris 2020
dans certains milieux d’avant-garde parisiens munie d’une lettre de recommandation du photographe hongrois Moholy-Nagy. Mais ce n’est pas là ce qui nous amène à parler de lui. Sous le titre Histoires naturelles, le Centre Pompidou nous proposait d’entrer dans le monde Wols, celui de son œuvre graphique, qui le signe au mieux aujourd’hui. Un travail qui, peu à peu, fera son chemin chez quelques collectionneurs et ce grâce au galeriste René Drouin – découvreur entre autres de Fautrier et Dubuffet – qui est le premier à l’exposer dès décembre 1945.
Avec une centaine de dessins et quelques peintures et gravures – le corpus de son travail est essentiellement composé d’encres et d’aquarelles sur papier – nous pénétrons dans un monde étrange, le sien, ni abstrait ni vraiment figuratif mais se baladant dans une sorte d’éther entre les deux avec des compositions biomorphiques, protozoaires agrémentés de quelques vagues paysages oniriques. Du surréalisme pur fruit comme on peut le voir chez les Tanguy, Paalen, Toyen et autre Kay Sage. La caractéristique graphique de cet ensemble nous donne à voir avec une minutie d’enlumineur et au travers d’imbroglio tracés d’une plume extrêmement fine, des constructions qui plongent le spectateur dans d’étranges abîmes, visions microscopiques de mondes semblant flotter dans des espaces indéfinissables. On comprend aisément alors que son univers ait agité le Landerneau des adeptes de la bande de Breton !
À part le catalogue (en allemand et anglais et difficilement trouvable) d’une rétrospective Wols à Brême en 2013, il n’existe pas d’ouvrage disponible, c’est dire toute l’importance de ce catalogue qui, bien que reflétant une partie, la plus connue, de l’art de Wols, il n’en est pas moins un outil indispensable pour une approche assez globale de l’homme et de l’œuvre. En complément d’une exposition trop vite disparue… Et en n’en espérant une prochaine.
Catalogue
Wols Histoires naturelles. Sous la direction de Anne Montfort
Édition du Centre Pompidou
160 pages, 150 illustrations, 35 €