Confiné dans une longère normande, David Hockney, le plus grand peintre anglais vivant, a ausculté l’arrivée du printemps. Aujourd’hui il nous accroche à la galerie Lelong ses vues d’une campagne qui, sous son pinceau, respire la joie, la couleur et le bonheur de vivre… Ses crédos.
Exposition à voir dans les deux espaces de la galerie Lelong jusqu’au 23 décembre 2020.
David Hockney, Apple Tree Alleyway © David Hockney / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Richard Schmidt
David Hockney, AppleTree © David Hockney / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Richard Schmidt

InTheStudio © David Hockney / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Jonathan Wilkinson

David Hockney, A Bigger Fire © David Hockney / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Jonathan Wilkinson

Vue de l'atelier (The Studio) © David Hockney pour les œuvres / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Jonathan Wilkinson

David Hockney, QuinceTree © David Hockney / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Jonathan Wilkinson

David Hockney, Some Smaller Splashes © David Hockney / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Jonathan Wilkinson

David Hockney (né en 1937), est aujourd’hui le plus important artiste anglais vivant maintenant que les Francis Bacon, Lucian Freud, Patrick Heron, Frank Auerbach, Leon Kossoff et autre Henry Moore ont quitté le navire. Il est aussi actuellement le peintre anglais vivant le plus cher. Sa toile Portrait of an Artist (Pool with two figures) de 1972, a été adjugée en novembre 2018 pour la somme astronomique de… plus de 90 millions de dollars ! Le niveau des Picasso et Basquiat. Pendant le confinement, installé en plein pays d’Auge, il a profité du retour du printemps pour brosser une centaine d’œuvres, gaies, pimpantes, éclatantes de couleurs à son habitude. La galerie Lelong & Co nous en présente une sélection d’une trentaine. Du pur bonheur !
L’an passé, après avoir été célébré en Angleterre suite à l’installation d’un vitrail dans l’austère abbaye de Westminster et avant de retrouver cette Californie d’élection qu’il a quitté il y a plus de quatre ans, David Hockney débarque à Bayeux pour revoir l’icône du lieu : la tapisserie de la Reine Mathilde qui le fascine par sa graphie narrative. Là, il fait part de son désir de renouveler en Normandie son expérience faite dix ans plus tôt en peignant la campagne de son Yorkshire natal. Pour ce faire, il demande à ses assistants de lui dénicher une maison en pleine nature, au milieu du verdoyant bocage normand. La maison est vite trouvée et acquise. Une longère ancienne de plusieurs siècles assortie d’un tout aussi ancien pressoir à cidre qui, une fois aménagé, sera un atelier parfait.
Jean Frémon, qui préside aux destinées de la galerie Lelong, la décrit : « Il s’agit d’une maison dans la campagne bien isolée, au milieu d’un vaste terrain que traverse un cours d’eau. Une rangée de hauts peupliers borde la rivière, Monet n’est pas loin.
David Hockney, In Front Of HouseLooking North © David Hockney / Courtesy galerie Lelong & Co / Ph. : Richard Schmidt
Au-delà s’élèvent des collines où paissent des chevaux. Un ancien pressoir tout encombré de vieilles poutres fera, au prix de quelques travaux, un parfait atelier à quelques dizaines de mètres de la maison. La décision est prise sans hésiter, Hockney sait qu’il a trouvé là un sujet, un nouveau motif qui va renouveler son travail. »
Lui qui a passé sa vie à se trimballer d’un continent l’autre aurait-il, à une encablure de Beuvron-en-Auge, trouvé son Giverny ? Il parle même d’y rester à l’année pour suivre les saisons ! Monet n’est vraiment pas loin. Et après un petit détour par Amsterdam qui le fête au musée Van Gogh, retour en Normandie. Van Gogh ? Son peintre préféré, découvert à Manchester lors d’une exposition dans les années 50. Et comme le Hollandais, Hockney a une passion pour la couleur, qui adolescent, le faisait sortir de la tristesse de Bradford la grise. Sa ville natale. Hockney et Van Gogh sont tout naturellement deux œuvres qui d’évidence se répondent.
L’arrivée du printemps
Dans son havre normand, les travaux à peine terminés, il entame sa résidence d’artiste. Et c’est là que va le surprendre le confinement dû à la pandémie. Le lieu idéal alors que beaucoup fuient les villes pour la campagne. Une maison isolée, une envie jamais rassasiée de peindre et un nouveau terrain de jeu dans une province et une nature qui lui rappelle Woldgate dans l’East Yorshire qui avait donné les œuvres magistrales vues à Beaubourg courant 2017. Il va célébrer à sa manière si joyeuse, l’arrivée du printemps que ne vont pas obscurcir les nuages de moment… « Remember that they cannot cancel spring » (Souvenez-vous qu’ils ne peuvent pas annuler le printemps !) concède cet indécrottable optimiste !
David Hockney sur « le motif » © Ph.: Jean-Pierre Gonçalves de Lima / Courtesy galerie Lelong & Co
Entre iPad et chevalet le voici reparti. Le premier est comme un carnet de croquis disponible à tout moment sans avoir besoin de sortir tout un attirail. Cette tablette qui lui donne des œuvres dont quelques-unes sont exposées ici. Le second, son instrument premier dont il use depuis l’âge de 11 ans à son entrée à l’école d’art de Bradford.
Et en quelques mois ce boulimique tranquille et appliqué achèvera plus d’une centaine d’œuvres dont plus d’un tiers est visible ici. L’ensemble fera d’abord l’objet d’une grande exposition en 2021 à la Royal Academy de Londres puis au musée de l’Orangerie à Paris.
Une explosion de couleurs
Ce printemps en Normandie donne ici un bouquet de joyeuses œuvres aux pimpantes couleurs avec leurs pommiers et autres poiriers en fleur, cette vue de Beuvront-en-Auge d’une claire et charmante naïveté dans son absence de perspective, le vert tendre de l’herbe, les tuiles rouges, le bleu du ciel, le jaune des fleurs, tout le spectre lumineux concourt à faire de ces
paysages banals une explosion de gaieté et de poésie. Et que dire des deux grandes fresques qui déroulent sur leurs 12 mètres de long – réminiscence de la tapisserie de Bayeux ? – la vision à 360° de l’univers normand d’Hockney (Autour de la maison, hiver et Autour de la maison, été). Deux grandes œuvres sur papier qui nous entraînent dans la métamorphose d’un paysage changeant, d’un printemps timide au sortir de l’hiver à l’été éclatant ! Bonheur, joie de vivre, d’être là simplement. « En cette année 2020, j’ai voulu représenter l’arrivée du printemps en Normandie. Cela m’a pris environ trois mois, et je pense que c’est la chose la plus excitante que la nature puisse offrir dans cette partie du monde. » résume-t-il.
Lui qui nous avait habitué, comme un geek, ces dernières années à son passage au numérique, à cette tablette sur laquelle il retrouvait ses gestes de peintre, semble aussi avoir retrouvé le plaisir de peindre sur toile. Classiques comme ces paysages qui ne sont pas sans nous rappeler ceux de son Angleterre natale avec ses chemins creux et sa nature généreuse et grasse.
Confiné dans sa Normandie d’élection, tournant autour de sa longère aux colombages apparents, il est « sur le motif » pour reprendre le crédo des Impressionnistes. Là, il semble, tel un Voltaire cultivant son jardin, n’être jamais rassasié de cette simplicité. Une maison, un jardin, des arbres et le retour du printemps qui égrènent un paysage toujours le même et pourtant jamais pareil. Le bonheur en quelque sorte.
La gaieté toujours au bout du pinceau
Un bonheur apaisé qui revient à l’essentiel pour lui qui avait bousculé le Swinging London dans les 60s, puis enflammé la Californie et le Grand Canyon, terre luxuriante entre maison blanche, piscine bleue, plantations exotiques et terres rougeoyantes. Ces années d’un art fringant. Et l’âge venant il revient vers cette Europe, ce vieux continent de ses racines. Une terre apaisée certes, mais pas dans un registre terne, froid, ante-mortem mais avec toujours, comme chevillé au corps, une débauche de couleurs, la gaieté toujours au bout du pinceau, lui qui ose autant dans son habillement que dans ses œuvres marier ensemble des tons improbables qui se fondent en un joyeux patchwork comme ce vitrail avec lequel il a fait rentrer dernièrement le soleil dans l’austère abbaye de Westminster. « C’est un homme qui aime la vie, qui sait la voir avec émerveillement, avec des yeux d’enfant souvent et une grande fraîcheur… » constate Jean Frémon qui préside la galerie Lelong. À 83 ans, Hockney est comme Benjamin Button, plus le temps avance plus il semble rajeunir…
David Hockney en Normandie © Ph.: Jean-Pierre Gonçalves de Lima / Courtesy galerie Lelong & Co
Galerie Lelong. 13, rue de Téhéran et 38, avenue Matignon (8e)
Ouvert du mardi au vendredi de 10h30 à 18h et le samedi des 14h à 18h30
Site de la galerie : http://www.galerie-lelong.com/fr/
Catalogue
David Hockney, Ma Normandie
Sous la direction de Jean Frémon avec Donatien Grau, David Hockney
Edition Galerie Lelong & Co., édition bilingue Français-Anglais. 108 p. 39 €