Loin de freiner le marché de l’art, la pandémie semble avoir peu de répercussions sur lui. À voir les trésors présentés sous le marteau lors de ces grandes ventes de printemps nul ne peut en douter ! On y croise Monet, Cézanne, Renoir, Mondrian, Matisse, Modigliani, Bonnard, Picasso, Warhol, Hockney, Basquiat et de nombreux autres ! Les visites avant vente auront les allures d’un riche musée ! On attend une pluie de records !
Article publié le 30 avril 2021.
Claude Monet, Le Bassin aux nymphéas. 1917-1919 © Courtesy Sotheby’s
Claude Monet Pont de Waterloo, effet de brouillard © Christie's Images

Edgar Degas, Femme sortant du bain. Vers 1886-88 © Christie's Images

Amedeo Modigliani Jeune fille assise, les cheveux dénoués (Jeune fille en bleu) © Courtesy Sotheby's

Piet Mondrian, Composition N° II with yellow, red and blue. 1927 © Christie's Images

Andy Warhol, Elvis 2 times. 1963 © Courtesy Sotheby's

Jean-Michel Basquiat, Versus Medici. 1982 © Courtesy Sotheby's

La pandémie, on le constate, est loin de ralentir les ventes aux enchères. Bien au contraire, il semblerait qu’elles ne se sont jamais aussi bien portées. Pour preuve, la vente de ce van Gogh (voir notre article) qui, en doublant son estimation fut adjugé à Paris pour plus de 13 millions d’euros (sans les frais) en mars dernier chez Sotheby’s Paris associé pour l’occasion à l’étude Mirabaud-Mercier. Ou encore ce portrait de Marie-Thérèse Walter, l’une des compagnes de Picasso, peint par lui et qui a changé de main pour plus de 33 millions d’euros, également chez Sotheby’s en février. Et on ne peut passer sous silence cette première : la vente d’une œuvre numérique (NFT) pour… près de 70 millions de dollars chez Christie’s. Quand de belles pièces sortent, c’est, on peut le supposer, que le marché est porteur. Apparemment il l’est. Pour le plaisir des yeux, une sélection de ces trésors printaniers…
Loin d’être taries donc, ces ventes vont faire l’objet de quelques belles batailles ces prochains mois. On nous présente quelques trésors qui sortent de collections privées. Ces pépites seront mises sous le marteau lors de ces ventes de printemps qui, en règle générale, et avec celles des mois d’octobre et novembre, constituent le point d’orgue des grandes vacations de New York, Londres, Hong Kong et Paris, les quatre grands pôles des ventes. Pour rappel, notre pays est en quatrième position de ce quarteron et représente seulement 5% de ce commerce estimé à 11 milliards de dollars l’an passé et semble bien résister à la pandémie. La Chine est en première position avec 39% du marché, suivi par les États-Unis avec 27% et la Grande Bretagne 15% (classement ArtPrice à retrouver ici).
Chez Sotheby’s : de Cézanne à Bansky
Chez Sotheby’s à New York, le 12 mai 2021, on nous annonce une toile imposante (un mètre sur deux) de Claude Monet dans
Paul Cézanne, Nature morte pommes et poires. 1888-1890 © Courtesy Sotheby’s
cette série parmi les plus recherchées, celle des Nymphéas datée 1917-1919 (est. 40/60 M$). Une œuvre très aboutie et l’une des rares de cette taille présentée sur le marché depuis des lustres. Le sujet en est donc ce bassin qu’il fit creuser dans sa propriété de Giverny, alimenté par un bras détourné de l’Epte et qu’il aménagea, plantant des saules, des bambous, des roseaux et de nymphéas parachevant son œuvre d’un mythique pont japonais.
« À partir de ce moment-là, il n’y avait guère d’autre sujet pour moi ». Dès lors tout était en place pour que pendant une vingtaine d’années, de 1895 à sa disparition en 1926, cet éden fut quasiment le seul sujet de ces années très productives et qui donnèrent ces « grandes décorations » dont cette magnifique installation que l’on peut admirer au musée de l’Orangerie à Paris.
Au sein de la même vente le 12 mai prochain à New York, on trouvera aussi, rien de moins qu’une Nature morte pommes et poires de Cézanne un thème des plus classique chez le peintre d’Aix (est. 25/30 M$) qui constitue, avec ses vues de la montagne Sainte Victoire, le graal cézannien. Autre lot très attendu ce soir là, un magnifique portrait par Modigliani ! On sait que les grandes œuvres du Livournais sont rares aux enchères surtout à ce niveau de qualité. Ce portrait d’une Jeune fille assise, les cheveux dénoués (Jeune fille en bleu), daté de 1919 (Est. 15/20 M$) coche toutes les cases de l’art de Modigliani, figure élancée, paisible, les yeux en amandes et cette attitude à la fois hiératique et réservée donne au modèle toute sa grandeur. De Degas, là encore une très attendue Danseuse qui devrait s’envoler vers des sommets (est. 10/15 M$).
Roy Lichtenstein, Girl with Beach Ball II. 1977 © Courtesy Sotheby’s
Basquiat très attendu
Mais le clou de la soirée sera, à n’en pas douter, une œuvre importante, tant par son auteur, son thème, son exécution que son format (2,14m x 1,37m !) : de Basquiat, Versus Medici (est. 35/50 M$). Un de ces portraits violents, à la connotation sociale forte qui le signe au mieux. Rappelons que l’artiste américain (décédé en 1988 à 27 ans) est classé en 6ème position mondiale des artistes en volume de vente avec un produit de 117 M$ en 2020 (cf. ArtPrice).
Dans la même vacation de ce concours de poids lourds, verra aussi s’affronter David Hockney avec Self portrait on the terrace (est. 8/12 M$), classé en 5ème position du même classement et qui avait « tapé » en décembre 2020 une enchère de 41 M$ avec cette vue du Nichols canyon désigné alors comme le paysage le plus important de l’artiste appartenant à une collection privée. Rappelons toutefois que l’anglais est, à ce jour, le peintre vivant le plus cher avec une œuvre emblématique de la série des piscines Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) qui fut adjugée en novembre 2018 chez Christie’s pour la coquette somme de… 90 M$ !
Signalons aussi Banksy, le « street artist » qui jouit depuis plusieurs années d’un grand effet mode (et de spéculation ?) avec cet iconique Love in the air (est. 3/5 M$). Bansky est
classé à la 20ème position par Artprice avec une enchère record de près de 10M$ en 2020. Et enfin pour clôturer cette soirée, jetons un œil sur la dispersion de la collection du collectionneur John L. Marion sous le titre de American Visionary, également le 12 mai 2021 chez Sotheby’s dans laquelle on trouve de beaux trésors.
De grands abstraits américains
À commencer par une toile emblématique du pop artiste Roy Lichtenstein, Girl with Beach Ball II (est. 12/18 m$). Par Andy Warhol, Elvis 2 Times, (est. 20/30 M$) l’un des 22 portraits de cette série représentant le King grandeur nature dans une position tirée de l’affiche de Flaming star, un des sirupeux westerns qu’il tourna au sommet de sa gloire en 1960. Du peu courant chez nous, mais très prisé chez lui, une belle œuvre, très structurée à son habitude, de Richard Diebenkorn, Ocean Park #40 (est. 20/30 M$). On peut dire la même chose de Clyfford Still, l’un des plus emblématiques représentants de l’abstraction lyrique américaine de ces années-là aux côtés des Rothko et autre De Kooning, dont on présente une grande huile sur toile PH-125 (1948-N°1) (est. 25/35 M$) c’est dire l’importance du monsieur ! Et enfin signalons dans la même veine une grande œuvre (2,42m x 2,00m !) de Franz Kline Mister (est. 15/20 M$).
Le meilleur de Dado de la collection Cordier
Chez Sotheby’s toujours et dans des fourchettes de prix beaucoup (mais beaucoup…) plus abordables, on trouve – « online » jusqu’au 5 mai 2021 – une nouvelle vente provenant des réserves de Daniel Cordier, de sa « collection privée » plus exactement. Le résistant puis galeriste, décédé l’an passé à 100 ans, draina dans son espace de la rue de Miromesnil une certaine vision de l’art des années 50 / 60. On y retrouve, au milieu des artistes de l’avant-garde d’alors qu’il défendit, une belle sélection d’une vingtaine d’œuvres de Dado.
On connaît l’œuvre du monténégrin un brin fantasque, une œuvre dans laquelle le meilleur côtoie le moins bon pour ne pas dite le pire. Ici on nous propose le meilleur ! On y retrouve toute la dextérité et l’univers si particulier de cet artiste, en marge des courants de son temps. Les visions colorées, fantastiques proche de l’esprit surréaliste firent les grandes heures de cette galerie et de celle de Jeanne Bucher qui le représentait aussi. En point d’orgue une extraordinaire et immense (76 cm x 551 cm !) toile de 1962, titrée Bowery présentant une ribambelle de personnages et autres créatures, exposée au Musée d’Art moderne de Paris (est. 12/18 000 € seulement, on a envie
Jean-Michel Basquiat, In this case. 1983 © Christie’s Images
d’ajouter…) Il nous faudra attendre les 3 et 4 juin 2021 pour les ventes parisiennes de Sotheby’s dont les catalogues ne sont pas encore à ce jour disponibles.
Chez Christie’s… on n’est pas en reste !
Réponse du berger à la bergère, Christie’s n’est pas en reste et nous présente dès le 11 mai 2021 à New York, une belle sélection avec, là aussi un extraordinaire Basquiat qui semble être une réponse sur fond rouge de ceux sur un fond bleu d’approximativement de même taille (Warrior 1982) dont l’un enregistra une magistrale enchère à… plus de 110 M$ en 2017 chez Sotheby’s à New York.
Pablo Picasso Femme assise près de la fenêtre, 1932 © Christie’s Images
Aucune estimation est donnée tant il est vrai que l’on risque là de flirter avec plusieurs dizaines de millions de dollars. Complète cette vente une trentaine de lots Bansky, Christopher Wool, Richard Prince, Urs Fischer et Gerhard Richter entre autres poids lourds.
Le 13 mai 2021 à New York (s’il reste quelques liquidités aux enchérisseurs de la veille chez Sotheby’s…), on retrouvera une belle sélection dans sa vente du soir. Picasso en tête avec un magnifique portrait de Marie-Thérèse Femme assise près de la fenêtre, daté 1932, (estimation sur demande) dans cette magnifique manière, toute en douceur et rondeur telle qu’il l’affectionnait en cette année 1932 et qui donna les chefs d’œuvre que sont Le Rêve et la série des Femme(s) nue(s) couchée(s). Un autre titré Femme dans un fauteuil de 1941 (est. 15/20 M$) plus déstructuré correspondant à ces années noires.
Monet, van Gogh, Seurat…
À voir aussi dans cette vente, le pont londonien de Waterloo, effet de brouillard, par Monet (estimation sur demande). Une composition diaphane dans les bleus esquissant la silhouette emblématique du pont londonien de Waterloo. Une belle huile sombre dans un camaïeu de verts et bleus de Mark Rothko. Un immense (3m x 5m) Roy Lichtenstein Interior : perfect Pitcher de 1994 (est. 20/30 M$)
Côté rareté, un Mondrian des années 20 Composition N° II with yellow, red and blue, quand le père du néoplasticisme est à son
apogée (estimation sur demande). Le lendemain, toujours à New York, dans la dispersion d’œuvres moderne, on nous présente rien de moins qu’un van Gogh avec une huile de son Pont de Trinquetaille (est. 25/35 M$), deux études sur toile de Georges Seurat pour La Grande jatte (est. 6/8 M$), un grand Joan Mitchell tout à fait dans l’attendu avec cet enchevêtrement de bleu et de vert qui font invariablement penser au Monet des dernières années (est. 10/15 M$). Giacometti avec une Tête de Diego sur socle (est. 3/5 M$), Klein, Dubuffet, Miró, Calder, Léger, Delaunay et Warhol, ce dernier avec des portraits de Marilyn (est. 14/18 M$) font aussi partie de la soirée ! À noter le 14 mai 2021, même auctioneer et même endroit, une belle vacation consacrée aux « papiers » avec Picasso, Chagall, Léger et Basquiat en tête de gondole. Il nous faudra attendre les 3 et 4 juin 2021 pour les ventes parisiennes de Christie’s non encore présentées. Et l’on apprend que qu’à Londres dans leur vacation consacrée à l’art moderne Christie’s nous annonce deux Degas de la plus belle eau.
Une Danseuse rose (circa 1896) thème fétiche par excellence (Est. 2,5/3,5 M£) et autre thème fréquent chez ce membre fondateur des impressionnistes : Femme sortant du bain (circa 1886-88), deux magnifiques pastels, un média dans lequel il excellait.
Un rare Toulouse-Lautrec
Et enfin chez Artcurial, le numéro un français (si on excepte les antennes parisiennes de Sotheby’s et Christie’s) les ventes de printemps auront lieu les 28 et 29 juin 2021. On n’en sait pas plus sinon que sera présenté à cette occasion la redécouverte d’un rare tableau de Toulouse-Lautrec représentant l’univers hospitalier. Il ne s’agit pas là d’une esquisse ni d’une œuvre mineure mais d’une véritable œuvre très aboutie d’autant plus rare que le sujet est très inhabituel, pour ne pas dire sûrement isolé, dans l’œuvre de celui que l’on vit plus souvent dans les maisons closes et au Moulin Rouge. Intitulé Une opération par le Docteur Péan à l’Hôpital International, cette peinture à l’essence sur carton (une technique qu’il employait beaucoup) a été réalisée en 1891 et offerte cette même année par l’artiste à son médecin Frédéric Baumgarten, portraituré sur l’œuvre. Redécouverte récemment et restée dans la même famille depuis sa création, cette œuvre est, aux dires de Bruno Jaubert, le directeur du département Art Impressionniste & Moderne d’Artcurial, « l’une des œuvres les plus singulières de Toulouse-Lautrec. Sans aucun doute l’une des plus importantes de l’artiste présentée sur le marché parisien depuis de nombreuses années. » (est. 600/900 000 €)
Maintenant attendons que les records pleuvent…
Henri de Toulouse-Lautrec, Une opération par le Docteur Péan à l’Hôpital International, 1891 © Courtesy Artcurial