On pensait tout connaitre du travail du grand photographe Robert Mapplethorpe, la galerie Thaddaeus Ropac nous entraine dans son intimité en nous présentant une série inédite de clichés personnels. Des portraits d’amis, d’enfants ou de lieux loin de ses habituels et magnifiques photos de studio qui l’ont fait connaitre. Une vision de l’intime par l’un des grands de l’image fixe.
Posté le 12 septembre 2021.
L’exposition « Robert Mapplethorpe – Intérieur Jour » à la galerie Thaddaeus Ropac Marais jusqu’au 16 octobre 2021.
Francesca Thyssen, 1981 © Robert Mapplethorpe Foundation / Courtesy Thaddaeus Ropac, London · Paris · Salzburg · Seoul
Du photographe américain Robert Mapplethorpe (1946-1989), on connaît ses natures mortes de fleurs qui, dans leur beauté et leur simplicité font penser à Avedon, les portraits de ses amis et modèles surtout regardés à l’aune d’une esthétique souvent gay (là on pense d’évidence à Herb Ritts) et ses autoportraits. Ajoutons, à ce court résumé de son œuvre, les portraits de son éternelle amie, la chanteuse Patti Smith dont il signa la couverture de son premier et album emblématique Horses.
Aujourd’hui, sous le regard de Jean-Marc Bustamante, appelé comme curateur, la galerie Thaddaeus Ropac nous présente une première sélection d’œuvres qui documente un aspect plus intime, voire confidentiel de son travail. Des portraits de connaissances, d’amis, d’enfants, de célébrités amies aussi et de quelques lieux saisis sur l’instant pour des raisons mémorielles voire esthétiques. Sur ces images, il a posé un regard tendre, doux, loin du maelström des soirées cuir et crues du NY downtown et de ses photos de studios. « Ce sont ces instants que j’ai réunis dans un espace intime de la galerie – commente Jean-Marc Bustamante – le spectateur devient le destinataire, la partie prenante, le protecteur de cette intimité créée par l’artiste pour des œuvres rares et intemporelles, empreintes d’une grande humanité. ».
Francois, S.F., 1976 © Robert Mapplethorpe Foundation / Courtesy Thaddaeus Ropac, London · Paris · Salzburg · Seoul
Milton Moore’s Niece, 1982 © Robert Mapplethorpe Foundation / Courtesy Thaddaeus Ropac, London · Paris · Salzburg · Seoul
Andes, 1979 © Robert Mapplethorpe Foundation / Courtesy Thaddaeus Ropac, London · Paris · Salzburg · Seoul
Photographe parmi les plus reconnus, ce ne sont pas ses images documentaires sur le milieu SM new yorkais, qui furent, comme on pourrait le penser, sa porte d’entrée dans l’univers de l’image. Suite à des études d’art, il se destine à… on ne sait pas vraiment. Il dessine, fait des collages et bricole des photomontages à partir d’images de magazine. Dans ces années-là, il rencontre Patti Smith, s’installe avec elle au mythique Chelsea hôtel à NY et vit cette vie un peu underground, décalée dans le NY des sixties. Le couple tire le diable par la queue. La photo n’arrive dans sa vie que vers ses 25 ans et son premier modèle est à ses côtés : Patti Smith. À une amie il emprunte un appareil polaroïd Land 360 et prend comme modèle ceux qui l’entoure. Une faune qui lui vaut sa première exposition personnelle simplement titrée Polaroids à la Light Gallery de New York en 1973.
Il ne commence à travailler exclusivement avec la photographie qu’à partir du milieu des années 1970, lorsqu’il se voit offrir par le conservateur et collectionneur Sam Wagstaff, qui est aussi son mentor et son amant, un appareil Hasselblad 500 et dans la foulée, un studio et un petit labo sur Bond Street ! Dès lors,
Flower, 1980 © Robert Mapplethorpe Foundation / Courtesy Thaddaeus Ropac, London · Paris · Salzburg · Seoul
figure de ce New York des années folles, proche de Warhol et de sa Factory, on voit ses clichés publiés dans le mythique magazine créé par Warhol en 1969 : Interview. Son œuvre est en marche et très vite, il sera reconnu, adulé par certains et honni par d’autres surtout pour ces clichés autant beaux, fascinants que crus. « Je travaille dans des espaces neufs, une fois que le diable est parti et que Dieu n’est pas encore venu » dixit Oleg Kulik, une réflexion qui peut parfaitement s’appliquer à Mapplethorpe…
Le cœur et l’intime
Dès 1987, un an avant sa disparition victime de cette maladie apparue à la fin du siècle dernier, il est exposé au Stedelijk Museum d’Amsterdam, au Whitney Museum of American Art de New York, à l’Institute of Contemporary Art de l’université de Pennsylvanie de Philadelphie et à la National Portrait Gallery de Londres et depuis les expositions et hommages sont légion dont une au Musée Rodin, à Paris en 2014.
Dans la série d’une vingtaine de tirages qui nous est présentée ici, l’intime, les lieux de vie ont remplacés avec douceur et quiétude, la vision de ses photos de studio à la plastique étudiée et forcément plus cadrée et moins spontanée. Ici on ressent l’instantanéité du propos, de ces photos qu’une pose, une lumière, un instant provoquent. Des amis, des enfants, une lumière dessinant une fulgurance sur un mur deviennent ici des moments de grâce. Ce n’est plus l’esprit qui est aux commandes mais le cœur, l’intime. Le moment figé avec grâce et souvent tendresse comme ce regard que le photographe porte sur des enfants, un peu trop sage certes, mais juste pour une fraction de seconde sans doute. Mapplethorpe se révèle ici peut-être plus photographe que jamais avec ces instants merveilleux qui n’ont eu besoin de rien pour être vivants et tendres, profondément humains. Cette motivation intrinsèque qui l’anime ici est une preuve ultime de l’acuité de son œil et de son incontestable talent.
Galerie Thaddaeus Ropac Marais. 7, rue Debelleyme (Paris 3e)
À voir jusqu’au 16 octobre 2021
Du mardi au samedi : 10h – 19h
Accès :
Métro : ligne 8 stations Saint-Sébastien-Froissart ou Chemin Vert
Bus : 20 : Saint-Claude ou Saint-Gilles Chemin Vert, 29 : Rue Vieille Du Temple, 65 : Rue Vieille Du Temple, 75 : Archives – Rambuteau, 69 : Rue Vieille du Temple – Mairie 4e et 96 : Bretagne
Site de la galerie : Thaddaeus Ropac / Mapplethorpe