Le Jeu de Paume nous invite à la découverte d’une sélection de tirages issue de la collection que Thomas Walther légua au MoMA. Une exposition des plus intéressantes car elle fait le point sur l’idée de la modernité en photographie en explorant les œuvres des artistes qui œuvrèrent en ce sens au milieu du siècle dernier. Un indispensable catalogue, nourri de nombreux textes, explore cette facette de l’art photographique qui irriguera l’histoire de ce média jusqu’à nos jours.
Exposition « Chefs-d’oeuvre photographiques du MoMA » au Musée du Jeu de Paume jusqu’au 13 février 2022
Posté le 15 décembre 2021
Kate Steinitz, Dos crawlé, 1930 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.
Willi Ruge, Quelques secondes avant l’atterrissage, série Je me photographie en train de sauter en parachute, 1931 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.

Umbo (Otto Umbehr), Vue du grand magasin berlinois Karstadt, 1929 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.

Herbert Bayer, Humainement impossible (autoportrait), 1932 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.

Germaine Krull, Sans titre (tour Eiffel), 1927–1928 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.

Aleksandre Rodtchenko, Jeune femme au Leica 1932-33 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.

Raoul Ubac, Le Conciliabule (Solarisation), 1938 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.

Pour la première fois en France, le Jeu de Paume nous accroche les photos de la collection que Thomas Walther légua au grand musée new-yorkais. Cette donation est l’un des piliers de la collection moderne du MoMA. Des 350 photographies dont elle est composée, l’exposition parisienne rassemble environ 230 images dues à 127 artistes qui ont su retracer l’histoire de l’invention de la modernité en photographie. Si une partie de cette collection a été présentée au MoMA en 2014, l’exposition du Jeu de Paume nous dévoile, en plus et en avant-première, les dernières acquisitions de l’institution new-yorkaise.
Cette collection est le fruit de la quête d’un allemand, Thomas Walther, héritier d’une confortable fortune constituée dans l’industrie de la machine-outil. Il commença dès la fin des années 70 à acheter des tirages à une époque où ce marché était balbutiant et que l’on pouvait encore assez facilement acquérir des trésors alors souvent ignorés ou délaissés. On estime sa collection à plus de 2000 images dont une partie est consacrée aux débuts de la photo et une autre aux images dues à des anonymes et chinées dans les marchés aux puces et autres vide-greniers.
Cette donation – en partie achetée toutefois et une autre partie offerte au musée – « ajoutent profondeur et complexité » à la collection déjà remarquable de la grande institution new yorkaise, pionnière en la matière qui s’intéressa, dès 1940, à ce média alors peu recherché.
Si on voulait résumer la scène artistique de la photo de l’entre-deux-guerres, entre les années 20 et 40, ces années où la photo s’ouvre à la modernité cessant d’être simplement le témoin du monde, cette collection y réussit parfaitement de par les choix faits de présenter les photographes et leurs images qui ont fait bouger les lignes. Et à ce titre le catalogue est un véritable vade-mecum qui documente parfaitement, texte en appoint, cette période charnière d’importance, qui fit entrer la photographie dans une autre ère.
La première moitié du XXe siècle, représentée ici par des œuvres signées Berenice Abbott, Karl Blossfeldt, Claude Cahun, El Lissitzky, Edward Weston ou André Kertész et de nombreux autres plus confidentiels, est retracé par un choix savamment étudié d’images emblématiques de cette ouverture à la modernité en photo. Mêlant les genres et les approches, de l’architecture et des vues urbaines aux portraits et aux nus, des reportages aux photomontages et expérimentations, les œuvres de l’exposition révèlent une effervescence artistique incomparable.
La collection Thomas Walther propose un panorama très riche de la scène artistique de l’entre-deux-guerres en explorant des réseaux artistiques allant du Bauhaus au surréalisme, de Moscou à New York. La sélection mélange des artistes très reconnus comme Henri Cartier-Bresson, Berenice Abbott ou Walker Evans, mais aussi des photographes qui ne se revendiquaient pas nécessairement comme tels mais dont la démarche est d’évidence en dehors des courants établis comme le pictorialisme, le naturalisme et autres témoins
Photographe inconnu, Sans titre (couverture de l’ouvrage Voici venir le nouveau photographe !), vers 1928-29 © New York., Collection Thomas Walther / The Museum of Modern Art, New York, 2021.
objectifs de la ville et de la vie… D’autre part, elle fait la part belle aux artistes femmes dont on découvrira ou redécouvrira de nombreuses œuvres. Chapitrée en six sections, l’exposition couvre tous les domaines exploratoires de la photo, de la vie d’artiste et des réseaux, sympathie et affinités qui agitèrent ses pionniers, à ceux qui documentèrent la vie moderne ou les villes, témoins de leur croissance et des nombreuses possibilités graphiques que ses rues et sa réalité urbaine offrent. Surréalisme, bidouillages, astronomie, rayons X et autres points de vue étranges viennent en ce XXe siècle faire suite, d’une façon moderne, aux photos spirites et médiumniques du siècle passé.
Musée du Jeu de Paume. 1, Place de la Concorde (8e)
À voir jusqu’au 13 mars 2022
Ouvert du mardi au dimanche. Le mardi de 11h-21h et du mercredi au dimanche de 11h-19h.
Accès :
Métro : lignes 1, 8 station Concorde. Lignes 12, 14 station : Madeleine
Bus : lignes 42, 45, 72 et 84, arrêt Concorde
Site de l’exposition : ici
Catalogue
Chefs-d’oeuvre photographiques du MoMA
Auteurs : Quentin Bajac , Sarah Meister et Michel Frizot
Coédition : Éditions De La Martiniere, Jeu De Paume, Moma, 352 p. 250 ill. 39 €