La Fondation Custodia nous présente les œuvres de ces artistes qui, de la fin du XVIIIème jusqu’au milieu du XIXème siècle sortirent de leur atelier afin d’aller peindre la nature en allant à sa rencontre. En cette pratique, ces peintres furent les précurseurs des Impressionnistes, rapportant de leur quête des œuvres magnifiques prenant les arbres, les rochers, les rivières, les bords de mers, la campagne et les volcans comme témoins et motifs de leur art et une réflexion profonde sur les rapports de l’homme à la nature.
Exposition Sur le motif. Peindre en plein air 1780-1870 à la Fondation Custodia jusqu’au 3 avril 2022.
Posté le 27 décembre
Christian Ernst Bernhard Morgenstern, (Hambourg 1805 – 1867 Munich). Chutes de la rivière Traun, Autriche, 1826 © Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris,
Jules Coignet (Paris 1798 – 1860 Paris). Vue de Bozen avec un peintre, 1837 © National Gallery of Art, Washington, D.C.

Simon Denis (Anvers 1755 – 1813 Naples). Arbres devant une vallée © Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris

Heinrich Reinhold (Gera 1788 – Rome 1825). Vagues sur la côte de Sorrente, 1823 © Collection particulière / Courtesy Fondation Custodia

Baron François Gérard (Rome 1770 – 1837 Paris). Une étude de vagues se brisant sur des rochers au coucher du soleil. S.d. © Collection particulière / Courtesy Fondation Custodia

Camille Corot (Paris 1796 – 1875 Paris). L’île et le pont de San Bartolomeo, Rome, 1825–1828 © National Gallery of Art, Washington, D.C.

Anton Sminck Pitloo (Arnhem 1790 – Naples 1837). Un garçon assis sous une pergola, Capri, vers 1820 © Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris

En 2020, le Musée des Impressionnismes de Giverny nous avait présenté une exposition titrée « L’Atelier de la nature 1860-1910 » avalisant l’idée, généralement admise, que les impressionnistes furent les premiers à sortir de leur atelier et à planter leur chevalet dans les bois, les campagnes et autres bords de mer. La Fondation Custodia, elle, nous prouve qu’un siècle auparavant – et même encore plus – des précurseurs avaient déjà effectué cette démarche comme nous le prouve avec beauté cette présentation de dessins et peintures sous le titre sans équivoque : « Sur le motif. Peindre en plein air 1780-1870 ». Une présentation qui réunit plus de 150 œuvres venues de nombreux musées et collections privées. À noter enfin, que la représentation du paysage du XVIIIème au XIXème siècle est l’une des composantes majeures de la collection de la Fondation Custodia, l’une des plus riches qui soit sur cette thématique.
S’il existe quelques exemples de peintres qui eurent cette démarche encore plus tôt, on nous cite ici Claude Lorrain (1600-1682) et François Desportes (1661–1743) qui, dès le XVIIème siècle, allèrent se confronter à la nature. Mais, c’est aux alentours de la fin du XVIIIème siècle que cette pratique pris son essor et vit des artistes se frotter directement au paysage, souvent en dessinant ou peignant de petits formats, généralement sur papier, des esquisses voire même des œuvres plus élaborées qui étaient ensuite soit terminées en atelier soit servaient de base à une œuvre plus grande et plus riche, sur toile et à l’huile. Quoiqu’il en soit cette confrontation directe au paysage est la voie ouverte à cette pratique qui devint un crédo pour les générations suivantes. Plusieurs œuvres ici présentées nous les montrent et en plein travail, le chevalet planté dans un bois ou un champ, comme pour prouver par eux-mêmes le bien-fondé de leur démarche. Une méthode
Louise-Joséphine Sarazin de Belmont, (Versailles 1790 – 1870 Paris). Grotte dans un paysage rocheux, s.d. © Collection particulière / Courtesy Fondation Custodia
proche de la nature, du sujet et permettant de saisir au plus près les nuances d’un ciel, les couleurs de la nature et les effets de lumière.
Dès cette époque beaucoup de peintres, dans toute l’Europe, des « barbizonniens » comme des romantiques ou des naturalistes, adoptèrent cette pratique dont certains très connus comme Camille Corot, Théodore Rousseau, Edgar Degas, Rosa Bonheur, André Giroux, John Constable, Richard Parkes Bonington, Eugène Isabey, William Turner, le Baron Gérard, Jules Coignet, Odilon Redon et de nombreux que l’on nous convie à découvrir ici. Le parcours de l’exposition n’est ni chronologique, ni organisé par écoles, mais se structure autour des motifs abordés. Ce qui donne à la présentation une grande cohérence.
Arbres, rochers, mers et rivières et toujours… l’Italie !
Les arbres, ouvrent l’accrochage, car ils sont naturellement l’un des motifs fondamentaux du paysage, puis viennent rochers dont la couleur et la texture constituent toujours des sujets fascinants d’étude. L’eau, ensuite, sous ses multiples formes qui constitue toujours un véritable défi auquel se mesure la dextérité du peintre à bien représenter sa transparence comme ses mouvements, sa houle, les vagues, les chutes et cascades. Fascinants sont les volcans ceux du sud de l’Italie, Stromboli, Vésuve, Etna, avec leur déchaînement, spectacle tout à la fois grandiose et terrifiant permettant aux artistes d’incroyables effets de lumières pour traduire les forces telluriques quand ce n’est nous les montrer au repos gardant silencieuse leur force assoupie.
Jean-Charles-Joseph Rémond (Paris 1795 – 1875 Paris). L’Éruption du Stromboli, le 30 août 1842, 1842 © Collection particulière / Courtesy Fondation Custodia
Et enfin l’Italie dans son ensemble, inspiratrice depuis toujours et phare pour de nombreux artistes depuis la Renaissance. L’Italie avec la douceur de son climat, la pureté de ses ciels, ses sites grandioses, ses ruines antiques comme ses constructions plus humbles avec leurs toits caressés par le soleil. Et sans oublier Rome, la campagne romaine, ou Capri avec leur incomparable lumière et leurs vestiges, source d’inspiration des plus romantiques. Beaucoup d’artistes virent se frotter autant à la recherche de cette nature d’exception, qu’à se frotter aussi à la tradition antique.
En plus de la représentation physique de ces éléments, le paysages et ses composantes sont aussi à regarder à l’aune de symboles ou de réflexion sur le passage du temps, la place de l’homme dans son environnement et son impact sur celui-ci ou une interrogation plus philosophique sur la beauté de la nature première.
« Tout au long de l’organisation et de la mise en place de cette exposition, nous avons partagé le plaisir que prirent les artistes à produire ces œuvres. Les peintres, dans leur grande majorité, n’auraient jamais envisagé d’exposer leurs études à l’huile. » – nous explique Ger Luijten, l’un des commissaires de l’exposition – « Œuvres de caractère strictement personnel, aide-mémoires destinés à nourrir leurs grands formats d’atelier, elles n’étaient connues que d’un cercle très restreint d’amis, de collègues ou d’élèves. Mais leur fraîcheur et leur immédiateté les rend aujourd’hui infiniment plus séduisantes que l’essentiel de l’œuvre officielle de ces mêmes artistes. Sur le motif est l’occasion exceptionnelle d’un examen approfondi de paysages d’une grande originalité qui, en dépit de leur petit format, restituent l’éclatante splendeur du monde qui nous entoure. »
D’abord regarder par Charles Donker
Et à l’habitude, les salles du sous-sol sont réservées à un regard plus actuel, ici en l’occurrence celui de Charles Donker (né en 1940), un graveur néerlandais à la technique époustouflante. Un accrochage qui retrace son demi-siècle de carrière au travers d’une sélection d’aquarelles et de gravures. Charles Donker n’a pas son pareil pour rendre le velouté du plumage d’un oiseau, la brume des petits matins et fait d’une simple pomme de pin, que l’on regarderait à peine, un sujet à elle seule. Quant à ses aquarelles, elle nous transporte ailleurs, sur le motif, tout à fait dans la lignée de la thématique de l’exposition principale. Il déclare : « Je ne sais pas être ailleurs que dehors, j’ai besoin de voir le ciel, d’entendre le bruissement des arbres, de regarder les oiseaux voler ou de ressentir le silence absolu de la nature. Je serais affreusement malheureux si je ne pouvais plus sortir. »
Fondation Custodia, 121 rue de Lille (7e).
Tous les jours sauf le lundi de 12h à 18h.
À voir jusqu’au 3 avril 2022
Accès :
Métro : Assemblée Nationale (ligne 12) ou Invalides (lignes 8 et 13)
RER C : Invalides ou Musée d’Orsay
Bus : lignes 63, 73, 83, 84, 94, arrêt Assemblée Nationale
Site de l’exposition : ici
Catalogue
Sur le motif. Peindre en plein air 1780-1870
Par Ger Luijten, Mary Morton et Jane Munro
Éditions Paul Holberton Publishing, 2020. 280 pages. 140 illustrations. 40 €