Depuis la monumentale exposition consacrée à L’Impressionnisme et le Paysage français (Grand Palais 1985), et L’Impressionnisme et la mode (musée d’Orsay 2012), il y a eu peu d’expositions transversales consacrées à ce mouvement majeur de la fin du XIXème et qui ouvrit l’art à la modernité. Et en attendant celle que le musée Marmottan-Monet va consacrer à l’automne au soleil dans l’impressionnisme et le postimpressionnisme (Un astre dans les arts à partir du 14 septembre), revenons sur cette passionnante exposition consacrée au décor impressionniste présentée ce premier semestre au musée de l’Orangerie.
Ce catalogue (celui de l’exposition) est le bienvenu d’autant qu’il existe peu – sinon pas – d’études sur ce pan important de ce mouvement initié en 1874 et qui comprenait en son sein toutes les grandes signatures de cette fin de siècle : Monet, Manet, Renoir, Sisley, Pissarro et Caillebotte pour ne citer que le dessus du panier. L’ouvrage explique ce que montrait cette exposition et plus que jamais des éclaircissements et de resituer le contexte d’alors étaient nécessaires même si on croit – indûment – que tout a été dit et rabâché sur ce mouvement sûrement le plus connu et apprécié du grand public.
Art et art ?
De quoi nous parle-t-on ici ? De ces peintres qui, délaissant de temps en temps leur chevalet pour des raisons souvent financières, prêtaient leur talent pour brosser à la demande des décors destinés à orner des murs de salon, mais aussi des assiettes, éventails, boîtes etc. à une époque, la IIIème République, qui les dédaignait dans les salons officiels. Naturellement, comme toujours, des esprits grincheux vilipendaient ces débouchés lucratifs et tentaient ainsi de décrédibiliser le mouvement et ses acteurs considérés souvent comme des « barbouilleurs ».
Et pourtant, les iconiques Nymphéas de l’immense Monet n’étaient-ils pas avant tout une série décorative ornant aujourd’hui les salles du musée de l’Orangerie et appelée alors fort justement « grandes décorations » ? Et que dire du triptyque « nautique » de Caillebotte, présenté aussi comme « panneaux décoratifs » et des iconiques Dindons de Monet qui furent, à leur création, commandés comme décors de la salle à manger d’Ernest Hoschedé, négociant, ami et mécène du peintre ? Une fois « décollés » de leur support et encadrés voyait-on une différence avec leur œuvre de chevalet ? Le catalogue foisonne d’exemples. En résumé, le peintre Félix Bracquemond, lui qui fit tant dans tous les genres, posa la simple et seule question qui vaille : « Où est donc la limite entre l’art décoratif et l’art qui n’est pas décoratif. Et d’abord quels sont ces deux arts ? Et pourquoi deux arts ? ».
Un siècle et demi après la révolution impressionnisme, il était temps de se pencher sur ce faux dilemme qui alimenta les premières années du mouvement, ce nouveau combat entre les anciens et les modernes, de faire le point sur cet art dit décoratif dont aujourd’hui, enfin, on respecte toutes les hybridations. Les auteurs et contributeurs de l’ouvrage décortiquent le genre, étudiant chaque thème : des décors aux grandes décorations, de l’objet aux thématiques comme l’eau ou l’art floral. Un tour d’horizon et des études inédites qui manquaient au cursus d’étude sur ce mouvement pourtant déjà tant documenté. Naturellement le sujet se prête bien à de magnifiques illustrations dont l’ouvrage fait une large place.
Le décor impressionniste : aux sources des Nymphéas,
sous la direction de Sylvie Patry et Anne Robbins
Coédition : Musées d’Orsay et de l’Orangerie / Hazan. 288 pages. 220 ill. 45 €