Peut-on parler ici de « vente du siècle » ? Assurément, puisque Christie’s avance l’estimation de… un milliard de dollars (autant en euros en ce moment) que pourrait générer la vente de ces 150 chefs-d’œuvre issus de la collection d’un seul homme, Paul G. Allen, co-fondateur de Microsoft décédé en 2018 à l’âge de 65 ans. Une collection qui couvre plus de quatre siècles, de Brueghel à Bacon ! Une myriade de chefs-d’œuvre dont les principaux font une halte à Paris pour… trois jours seulement !
Exposition publique du 20 au 22 octobre à Paris chez Christie’s
Vente à New York les 9 et 10 novembre 2022
Posté le 10 octobre
Francis Bacon (1909-1992). Three Studies for Self-Portrait, 1979. Estimation supérieure à 25 millions de $. © Christie’s Images Limited 2022
Brueghel le Jeune (1601-1678). Les cinq sens : Le Goût. Estimation : 4 à 6 millions de $ © Christie’s Images Limited 2022

Vincent Van Gogh (1853-1890), Verger avec cyprès. Arl;es avril 1888. Estimation supérieure à 100 millions de $. © Christie’s Images Limited 2022

Monet Claude (1840-1926), Waterloo Bridge soleil voilé, 1899-1903; Estimation supérieure à 60 millions de $ © Christie’s Images Limited 2022

Georges Seurat (1859-1891), Les Poseuses, Ensemble (Petite version), 1888. Estimation : 100 millions de $ © Christie’s Images Limited 2022

Klimt Gustav (1862-1918), Birch Forest, 1903. Estimation supérieure à 90 millions de $ © Christie’s Images Limited 2022

Lucian Freud (1922-2011), Large Interior, W11 (d'après Watteau), 1981-1983. Estimation supérieure à 75 millions de $ © Christie’s Images Limited 2022

Cliquez sur les vignettes pour les agrandir
On peut se demander comment, en une si courte vie, on peut amasser tant de trésors ? Comment cet homme, ce collectionneur donc, a pu, en plus d’un job des plus prenants, être ainsi sur le qui-vive pour traquer à tous moments l’apparition d’une œuvre de la qualité de celles qui vont passer sous le marteau de Christie’s. Paul G. Allen, c’est l’histoire d’un gamin de l’après-guerre, né en 1953, qui découvre l’informatique alors balbutiante, à l’école. Dans cette école, il rencontre un autre gamin tout aussi féru de langage binaire, un certain Bill Gates avec qui il fonde, à tout juste 15 ans, leur première entreprise !
Lors de leurs loisirs, louant à une compagnie du temps informatique, les deux ados codent leur premier programme… un jeu de morpion ! Avec cet embryon de société – on dirait startup aujourd’hui – ils mettent au point et testent, auprès de leurs premiers clients, un programme de sécurisation des programmes informatiques. La suite appartient l’histoire, et à l’industrie, sous le nom de Microsoft que les deux potes fondent en 1975… à 22 ans. On raffole de ce genre de success story et les médias s’emparent vite d’eux. Si Bill Gates est dans la lumière, s’occupant surtout du côté business de leur entreprise, Paul G. Allen, lui, semble avoir toujours préféré l’ombre et les bidouillages informatiques. Cette vente va l’éclairer, lui qui n’est plus là !
Leur société Microsoft, qui pèse aujourd’hui… 2 150 milliards de dollars ! Elle les a faits vite riches lors du développement exponentiel de l’informatique dans les dernières décennies du siècle dernier ! Et parallèlement à Microsoft, Allen crée et développe une myriade de sociétés qui, ajoutés à ses actions de Microsoft, en fit l’un des hommes les plus riches de la Silicon Valley. Lors de l’entrée en bourse de Microsoft en 1986, Allen touche 13 milliards de dollars… (Bill Gates 10 fois plus !).
En 2000, Allen démissionne de Microsoft, mais reste actionnaire. Il crée des fondations caritatives dès 1986 comme l’Allen Institute for Brain Sciences en 2003, qui a réalisé des percées scientifiques révolutionnaires. De son vivant, ses contributions philanthropiques ont dépassé les 2,65 milliards de dollars. Elles ont permis d’approfondir notre compréhension des biosciences, de diffuser l’art, la musique et le cinéma avec les publics les plus larges, de lutter contre les épidémies, d’aider à sauver les espèces menacées, d’explorer les fonds marins et d’investir dans des communautés plus dynamiques et
Paul Cézanne (1839-1906). La montagne Sainte-Victoire, 1888-1890. Estimation supérieure à 120 millions de $ © Christie’s Images Limited 2022
résilientes. Mais l’argent ne fait pas toujours le bonheur, car Allen est un malade en sursis. En 1982, on lui diagnostique un lymphome de Hodgkin et il passe de chimio en radio, d’hôpitaux en cliniques et semble parvenir à en guérir en 1995… Récidive en 2009… Décès en 2018.
Cette collection comporte une myriade d’œuvres phares que seuls quelques milliardaires ont l’assisse financière pour se les offrir. Ils vont se retrouver en opposition frontale avec les plus grands musées du monde, toujours à l’affût lorsqu’apparaît sur le marché de tels chefs-d’œuvre dont l’importance n’a d’équivalence que leur rareté ! Mais peu de musées, exceptés quelque rares institutions privées, ont une telle capacité d’achat. Et les voir rentrer dans une collection privée serait les cacher aux yeux du monde…
Au vu des œuvres dispersées, on se demande qu’elle fût la ligne directrice d’une telle collection. En général, les collectionneurs ont, sinon des marottes, du moins des choix bien définis, une ligne directrice, collectionnant soit une période, une école, voir un mouvement ou seulement quelques artistes bien spécifiques. Paul G. Allen collectionnait tous azimuts puisque ses achats vont du XVIIe siècle avec
Paul Gauguin (1848-1903). Maternité II. Peint à Tahiti en 1899. Estimation supérieure à 90 millions de $ © Christie’s Images Limited 2022
Jan Brueghel le Jeune jusqu’au XXe siècle avec Francis Bacon, Jasper John et même Agnes Martin en passant par Turner, Monet, Seurat, Klimt, Gauguin, Cézanne et Van Gogh ! On peut se demander s’il ne courait pas tout bonnement après les chefs-d’œuvre sans distinction autre. Des œuvres qu’il n’hésitait pas à prêter anonymement pour des expositions.
« Les plus belles œuvres d’art jamais vendues depuis la guerre »
Concernant certains des trésors présentés, Max Carter, vice-président de Christie’s nous éclaire : « À l’image de La montagne Sainte-Victoire de Cézanne, la collection de Paul G. Allen, constitue un sommet. Des Cinq sens de Brueghel aux images vénitiennes de Turner et Manet, en passant par les chefs-d’œuvre de la fin du XIXe siècle de Van Gogh, Gauguin et Monet, de La Forêt de bouleaux de Klimt au Large Interior, W11 (d’après Watteau) de Lucian Freud, peut-être l’une des œuvres les plus marquantes du dernier demi-siècle, la collection semble presque sans limites. Et c’est sans évoquer les Poseuses de Seurat, ayant appartenu aux collections d’Alphonse Kann, de John Quinn et d’Henry McIlhenny. Cette œuvre figurait au catalogue de l’Armory Show de 1913. En 1970, à l’occasion de sa seule et unique apparition lors d’une vente aux enchères, l’historien de l’art John Russell a suggéré, qu’il s’agissait de l’une des trois ou quatre plus belles œuvres d’art jamais vendues depuis la guerre. Cela reste tout à fait valable aujourd’hui ».
Quelques-uns des chefs-d’œuvre de la collection s’offrent une exposition itinérante qui passera par Paris et sera visible dans les locaux de Christie’s seulement du 20 au 22 octobre 2022, en une visite digne de celle d’un grand musée !
À noter enfin, que conformément à la volonté de Paul G. Allen, l’intégralité du produit de cette vente historique sera reversée à des oeuvres philanthropiques.
VISIONARY : THE PAUL G. ALLEN COLLECTION
Vente à New York les 9 et 10 novembre 2022
Le catalogue et les résultats seront consultables sur le site de Christie’s
Exposition publique à Paris du 20 au 22 octobre de 10h à 18h chez Christie’s 9 Av. Matignon (8e)