Le musée du quai Branly – Jacques Chirac nous convie à la découverte d’un vêtement typique de la culture et l’Histoire du Japon : le kimono. Tout à la fois connu, teinté d’exotisme et pourtant mal décrypté dans sa dimension tant culturelle que sociale et sociétale. L’exposition nous présente une sélection de pièces parmi les plus belles qui nous plonge au cœur d’un artisanat et d’une tradition millénaire.
Exposition Kimono au musée du quai Branly – Jacques Chirac jusqu’au 28 mai 2023
Fashionable Brocade Patterns of the Imperial Palace, Utagawa Kunisada (1786–1864), Edo (Tokyo) © Victoria and Albert Museum, Londres
Kimono destiné à l’export. Probablement Kyoto, 1905-1915 © Victoria and Albert Museum, London

Utagawa Kunisada (1786-1864), Femme devant la boutique de kimonos Daimaruya, Edo (Tokyo), 1840-1845 © Victoria and Albert Museum, London

Kimono de jeune femme (furisode). Probablement Kyoto, 1800-1850 © Victoria and Albert Museum, London

Sur-kimono pour femme (uchikake). Probablement Kyoto, 1860–1880. © Victoria and Albert Museum, London

Kimono de jeune femme (furisode). Probablement Kyoto, 1800-1850 © Victoria and Albert Museum, London

Kimono de femme. Probablement Isesaki, 1915-1930 © The Khalili Collection of Japanese Art

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Comme tout vêtement, le traditionnel kimono japonais est tout à la fois un marqueur social, esthétique, de goût comme un champ exploratoire pour les créateurs, et ce, depuis plusieurs siècles. Cette exposition au Musée du quai Branly – Jacques Chirac tente de démontrer que si, au travers des siècles, sa forme et sa symbolique n’ont guère bougé, il serait faux de penser qu’il n’a pas su s’adapter à la modernité. Mais, comme nous le démontre les plus de 120 kimonos du 17e siècle à nos jours exposés ici (associés à de nombreux accessoires), il est aussi un incroyable vecteur de beauté et une démonstration du savoir-faire des artisans locaux dont certains, comme Kunihiko Moriguchi, ont été élevés au statut de « trésor national vivant » au Japon et duquel on trouve ici un kimono remarquable.
Vue de l’exposition « Kimono » © musée du quai Branly – Jacques Chirac / Léo Delafontaine
La découverte de l’art japonais en occident fait suite à l’ouverture du Japon à la fin de l’ère Meiji. En 1867, lors de l’Exposition universelle de Paris, le public découvre la beauté des textiles japonais et aussi toute une culture ignorée qui va déclencher une vague de japonisme dans tous les arts. Côté peinture, on en retrouve les traces évidentes chez Bonnard, Van Gogh, Rivière, Vallotton, Lacombe sans oublier les collectionneurs d’estampes – comme Monet – qui découvrent les œuvres des grands-maîtres de l’ukiyo-e comme Hiroshige, Hokusai ou Utamaro, ou qui s’échangent sous le manteau les audacieux « shunga ». On la retrouve aussi au travers de nombreux arts décoratifs, meubles, céramiques, bijoux entre autres. Au centre de cette découverte, le kimono que l’on retrouve dans bon nombre d’images et d’estampes.
Mais qu’est-ce exactement le kimono aux caractéristiques inexorablement intemporelles, à la conception d’une extrême simplicité et d’un grand modernisme. Le catalogue nous renseigne : « C’est un vêtement à coutures droites fermé par une ceinture nouée à la taille (obi). Dans la tenue japonaise, le corps a peu d’incidence ; c’est la surface plate du kimono qui importe, contrairement à l’habit occidental qui présente une coupe et une structure destinées à souligner ou camoufler les formes du corps. Dans le kimono, la couleur, les motifs et la technique employée indiquent le statut et le goût de celui, ou de celle, qui s’en pare. ». À noter que la plupart de ceux anciens que nous admirons aujourd’hui et qui ont été préservés, sont des objets de luxe, vendus par des magasins spécialisés dont le nombre ne cesse de croître au fil des années. Les marchands de kimonos orchestraient les savoir-faire d’un réseau d’artisans spécialisés comprenant créateurs, tisseurs, teinturiers et brodeurs.
Double page du catalogue © Musée du quai Branly – Jacques Chirac /Éditions de La Martinière
Revenu à « la mode »…
L’histoire du kimono se perd dans la nuit des temps, il est porté par tous, c’est le vêtement de base, non genré, qui va naturellement être du plus simple dans les toutes les classes de la société. C’est au milieu du 17e siècle, que va naître une culture vestimentaire novatrice liée au développement de la mode comme marqueur de statut et de style. Cette mutation émerge à Kyoto, centre névralgique de la production textile de luxe. Il trouve son point d’orgue durant cette période pendant laquelle le Japon est marqué par une stabilité politique, une croissance économique et une expansion urbaine sans précédent. C’est à cette époque que les premiers kimonos sont exportés en Europe où leur impact sur la mode occidentale est immédiat. Kyoto devient le centre d’un artisanat de luxe du kimono et l’esprit créatif qui l’anime se conjugue au dynamisme commercial de sa voisine Osaka, faisant de cette région le berceau d’un style et d’un raffinement nouveaux. S’il est moins porté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il demeure toutefois comme le symbole et l’emblème de l’identité nationale et son port est depuis réservé aux grandes occasions.
Double page du catalogue © Musée du quai Branly – Jacques Chirac / Éditions de La Martinière
Naturellement, l’exposition comme le magnifique catalogue qui l’accompagne revient en détail non seulement sur l’histoire de ce vêtement emblématique de la société nippone, mais aussi et surtout vient nous expliquer la portée d’importance du kimono, mais aussi nous en décrypte son statut comme pouvoir de séduction, sa création et comment est organisé son commerce. On y découvre aussi comment il fut et est perçu à l’étranger ainsi que la pérennité et l’actualité de ce vêtement trop souvent pensé et avalisé comme étant du passé. Étonnement son aura et son port a traversé les siècles surtout depuis les années 80 lorsque Tokyo intégra le club fermé de capitale de la mode au même titre que Paris, Milan, Londres et New York. La grande force de Tokyo, c’est d’avoir su puiser dans sa tradition pour remettre au goût du jour ce vêtement qui a bien failli sombrer devant l’avancée et l’engouement pour la mode occidentale des « fashionistas » tokyoïtes. Relayées par des influenceuses qui n’hésitent pas à poser dans la rue avec des « revivals » de kimonos voire même des kimonos traditionnels revisités. Le kimono « se révélant le lieu d’un équilibre subtil entre classicisme et nouveauté, délimitation et ouverture. » conclut Emmanuel Kasarhérou, Président du musée.
Musée du Quai Branly / Jacques Chirac, 37 quai Branly (7e).
À voir jusqu’au 28 mai 2023
Du mardi au samedi et dimanche 10h30 – 19h00. Le jeudi 10h30 – 22h00
Accès :
Métro : ligne 9 : Alma-Marceau ou Iéna. Ligne 8 : Ecole Militaire. Ligne 6 : Bir Hakeim
RER C : Pont de l’Alma ou Champ de Mars Tour Eiffel
Bus : 42 : Tour Eiffel ou Bosquet-Rapp. 63, 80 et 92 : arrêt Bosquet-Rapp. 69 : arrêt Champ de Mars. 72 : arrêt Musée d’Art Moderne – Palais de Tokyo ou Alma Marceau. 82 : arrêt Varsovie ou Champ de mars. 87 : arrêt Rapp – La Bourdonnais
Site de l’exposition : ici
Catalogue
Kimono par Anna Jackson conservatrice en chef, directrice du département Asie au Victoria & Albert Museum.
Éditions de la Martinière. 336 pages. 55 €