Fidèle à sa vocation et à son exploration du XIXe siècle, le musée d’Orsay nous convie à une exposition thématique autour d’un médium : le pastel, ce petit bâton fait d’une poudre agglomérée fort prisée dès la fin du XVe siècle. Le pastel vit son renouveau au XIXe siècle et beaucoup s’en emparèrent alors et certains même, en firent le centre de leur art. Da sa collection forte de 500 œuvres au pastel, le musée nous en a extrait une centaine qui exploite au mieux toutes les caractéristiques bien particulières de cet art entre peinture et dessin.
Au musée du Luxembourg il est question du frère de Claude Monet, Léon, industriel dans la… couleur et aussi et surtout collectionneur. C’est cette facette qui nous est révélée ici avec bon nombre d’œuvres impressionnistes, mais aussi et surtout d’autres issues de cette École de Rouen que Léon Monet avait à cœur de défendre.
Exposition Pastels, de Millet à Redon au musée d’Orsay. jusqu’au 2 juillet 2023 & exposition Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur au musée du Luxembourg jusqu’au 16 juillet 2023.
Lucien Lévy-Dhurmer. La Femme à la médaille, 1896 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Expo Pastel. Jean-Marie Faverjon. Autoportrait en trompe l'œil, vers 1868 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / H. Lewandowski
Expo Pastel. Eva Gonzalès. La Matinée rose, 1874 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / H. Lewandowski
Expo Pastel. Edgar Degas. Ludovic Halevy et Albert Boulanger-Cavé dans les coulisses de l'Opéra, 1879 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / P. Schmidt
Expo Pastel. Mary Cassatt. Mère et enfant sur fond vert ou Maternité, 1897 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / H. Lewandowski
Expo Pastel. Edouard Manet. Portrait d'Irma Brunner, vers 1880 © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi / DR
Expo Pastel. Lucien Lévy-Dhurmer. La Calanque, vers 1936 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / H. Lewandowski
Expo Pastel. Edouard Manet. Buste de femme nue, Vers 1875 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / P. Schmidt
Expo Pastel. Fernand Legout-Gérard. Port de pêche, entre 1856 et 1924 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy
Expo Pastel. Lucien Lévy-Dhurmer. Méduse, 1897 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / H. Lewandowski
Expo Pastel. Odilon Redon. Le Char d’Apollon, vers 1910© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / H. Lewandowski
Expo Léon Monet. Claude Monet Portrait de Léon Monet 1874 huile sur toile 63 x 52 cm collection particulière © François Doury
Expo Léon Monet. Camille Pissarro. Le pont de pierre et les barges à Rouen, 1883 © Columbus Museum of Art
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Le musée d’Orsay conserve l’une des plus importantes collections de pastels au monde comme l’on avait déjà pu s’en rendre compte, il y a une quinzaine d’années, lors de l’exposition Le Mystère et l’éclat. Une collection forte de plus de 500 œuvres avec, on s’en doute, une belle sélection d’œuvres de Degas, car s’il en était un qui, au XIXe siècle, se fit le chantre de ce médium, c’est bien le peintre des danseuses et des femmes dans leur intimité. Une exposition qui nous révèle aussi les dernières acquisitions du musée comme cette Baigneuse s’essuyant de Degas vers 1900 – 1905, Marguerite Cahun dans l’appartement du boulevard Raspail de Marguerite Jeanne Carpentier, 1910 et ce Portrait d’Yvette Guilbert par Karl Bennewitz von Löfen, daté 1899.
Une étude sur l’utilisation du pastel, de sa création à nos jours, aurait eu pour valeur première de bien faire comprendre comment ce médium s’inscrit dans l’histoire de l’art et comment il a gagné sa place dans les disciplines classiques dessin et peinture lui qui est, selon José de Hérédia, le « mariage d’amour de la couleur et du dessin ». Mais le musée d’Orsay, en ciblant celui-ci dans sa période d’élection, est fidèle à son ADN et ausculte donc la période qui le concerne, et ce, au travers de ceux qui lui ont redonné ses lettres de noblesse, le hissant à sa juste place comme le firent les Chardin, Quentin de La Tour ou Liotard des générations précédentes, en ce XVIIIe siècle considéré comme l’âge d’or du pastel.
L’art du pastel requiert beaucoup de pratique et de dextérité, il est, de par ses effets de matière et par sa subtilité, en général réservé pour le portrait tant il est à même de rendre les carnations. Situé en dehors des média traditionnels, il n’a, avec le dessin comme avec la peinture, aucune parenté. Sa mise en œuvre, le fait de ne pouvoir y mélanger les tons comme les couleurs, existant en plusieurs textures (sec, dure, à l’huile, à la cire) et dont l’utilisation diffère aussi selon le support utilisé, que ce soit du papier à grain, lisse ou la toile.
L’exposition, qui tente de nous présenter toutes les utilisations, s’articule autour de grands thèmes (Terre et mer, Intimité, Sociabilités, Intérieurs, Âmes et chimères, Arcadies…) voire par mouvement comme le symbolisme, soulignant son renouveau à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, une période pendant laquelle il revient en force après la déshérence suite à la Révolution. Lors de ce renouveau, il quitte peu à peu son usage traditionnel qui le confinait par trop au portrait, pour étendre sa palette et explorant tous les thèmes et sujets.
Le pastel s’émancipe
Ses nouveaux maîtres – Millet, Caillebotte, Boudin, Cassatt, Degas puis Vuillard et Redon – lui donnent à explorer le paysage ou les scènes de genre, rejoignant en cela leur œuvre de chevalet avec, toutefois, ce qui fait la spécificité du pastel, à savoir cette
Edgar Degas. Femme à sa toilette essuyant son pied gauche, 1886 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
douceur, ce satiné, cet effet poudreux longtemps confiné dans un seul genre, le portrait. Il s’en émancipe et s’accommode, au XIXe siècle, à tous les thèmes, car il sait aussi être clinquant, flamboyant et tranchant. Et si les artistes du siècle du symbolisme et de l’Impressionnisme ont continué à exploiter l’art du portrait au pastel permettant, à l’habitude de son usage, de rendre toute la douceur et la souplesse des carnations et le soyeux et la brillance des étoffes. Pour autant, ils l’utilisent pour d’autres thèmes, comme cet étonnant autoportrait où Jean-Marie Faverjon, l’artiste, se met lui-même en abîme se représentant sortant du cadre pour nous présenter une de ses œuvres, (Autoportrait en trompe-l’œil, vers 1868) ! Ou cet autre, à la limite de l’onirisme, dû à Lévy Dhurmer La Calanque (vers 1936) un paysage bleu envoûtant. La modernité se dessine aussi avec le pastel ! Et on l’émancipe de la frontière autrefois dressée entre son utilisation et le genre dans lequel il semblait confiné. Pour preuve encore, les symbolistes s’en emparent et lui donne des accents fantastiques toujours chez Lucien Lévy-Dhurmer (Méduse 1897), Odilon Redon (Le Bouddha, vers 1906-1907 ou Le Char d’Apollon, vers 1910) jusqu’à certains tenant de l’avant-garde comme Piet Mondrian (Départ pour la pêche (Zuiderzee), vers 1900).
Mais naturellement celui qui y a laissé alors ses lettres de noblesse est sans conteste Degas avec ses femmes dans leur intimité, ses blanchisseuses et surtout ses danseuses. Une belle sélection de ses pastels nous est ici proposée. Mais aussi Boudin avec ses bords de plage et ses cieux ou encore Lucien Lévy-Dhurmer, le grand pastelliste du XIXe siècle ou Henri Gervex, dont le musée possède le magnifique Rolla (1878) et qui est ici présent avec un Paysage marin (Dieppe), vers 1885 et quelques grands impressionnistes comme Mary Cassatt, Édouard Manet, Claude Monet ou Auguste Renoir.
Cette exposition permet aussi de mettre en lumière bon nombre ses adeptes moins connus. Et ne serait-ce pas là une bonne raison d’aller à la découverte de ces artistes peu vus et exposés ?
Musée d’Orsay. Esplanade Valéry Giscard d’Estaing (7e)
À voir jusqu’au 22 septembre
Mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 9h30 à 18h
Jeudi de 9h30 à 21h45
Lundi : jour de fermeture
Accès :
Métro : ligne 12, station Solférino
RER : ligne C, station Musée d’Orsay
Bus : 63, 68, 69, 73, 83, 84, 87, 94 Dernier accès 17h
Site de l’exposition : ici
Catalogue
Pastels
Coédition Musées d’Orsay et de l’Orangerie / RMN
Versions française et anglaise
144 pages, 112 illustrations, 29 €
Claude Monet. Intérieur ou Méditation ou Méditation. Mme Monet au canapé, vers 1871 © Rmn – Grand Palais / Gérard Blot
LEON MONET FRERE DE L’ARTISTE ET COLLECTIONNEUR
Pastel encore chez Léon Monet (1836-1917), le frère de Claude. Non pas qu’il fut comme son cadet un artiste, mais un industriel rouennais, chimiste en couleurs et fabricant, entre autres, de ces petits bâtonnets et… collectionneur. C’est cette dernière activité qui est au centre de l’exposition que lui consacre le Musée du Luxembourg. On nous apprend qu‘il avait une « intelligence vive et prompte », un « caractère cordial et franc » et qu’il était très impliqué au sein des nombreuses associations culturelles que compte la ville de Rouen. Sa collection s’articule naturellement autour d’œuvres de son frère et de ses amis impressionnistes comme Sisley, Pissarro et Renoir. De son frère, l’exposition nous présente son magnifique portrait (Portrait de Léon Monet, 1874), le portrait au caractère bien trempé de l’homme d’affaires qu’il est. Un autre portrait, celui de Camille Doncieux, modèle préféré de l’artiste depuis 1865 et son épouse depuis 1870 (Intérieur ou Méditation ou Méditation. Mme Monet au canapé, vers 1871) saisie ici dans son intimité. On trouvera aussi des vues de Sainte-Adresse, cette plage au nord du Havre, au couchant (Vue de Sainte-Adresse et La Plage de Sainte-Adresse, deux œuvres de 1864). De Renoir, une vue de Paris (Paris, l’Institut au Quai Malaquais, 1872) et de Pissarro, une vue des environs de Rouen datée 1883. Attaché à sa ville et ses environs, qui ont nourri le thème de la plupart des œuvres de sa collection, il avait aussi
à cœur de défendre les artistes de l’École de Rouen comme Narcisse Guilbert, Marcel Delaunay ou Joseph Delattre dont on nous présente ici quelques rares œuvres en exposition.
Et enfin, revenons au pastel et à la couleur. L’exposition présente aussi des recettes de couleur, des échantillons de tissus et des livres de comptes, évoquant le Rouen industriel dans lequel Léon Monet évolua. En tout, 157 œuvres et documents qui retracent le parcours et la collection de ce frère attentif à l’art de son cadet et de son entourage artistique. En faisant dialoguer peintures, dessins, photographies et albums de couleurs, l’exposition apporte un éclairage inédit sur l’intimité de la famille Monet et le goût partagé des deux frères pour la couleur.
Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard (6e).
À voir jusqu’au 16 juillet 2023
Ouvert du lundi au dimanche de 10h30 à 19h30, nocturne le lundi jusqu’à 22h.
Accès :
RER : ligne B, arrêt Luxembourg (sortie Jardin du Luxembourg)
Métro : ligne 4, arrêt Saint Sulpice ; ligne 10, arrêt Mabillon ; ligne 12, arrêt Rennes
Bus : lignes 58, 84, 89, arrêt Musée du Luxembourg ; lignes 63, 70, 86, 96, arrêt Église Saint Sulpice
Site de l’exposition : ici
Catalogue
Leon Monet frère de l’artiste et collectionneur
sous la direction de Géraldine Lefebvre
Éditions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais
256 pages, 180 illustrations, 39 €