En cette fin d’année, le château de Versailles nous expose une rétrospective du peintre Noël Coypel qui y fit une grande partie de son œuvre jusqu’à devenir l’un des peintres préférés de Louis XIV. Injustement oublié, il renaît ici avec ses œuvres les plus flamboyantes.
Exposition Noël Coypel, peintre des grands décors au Grand Trianon du château de Versailles jusqu’au 28 janvier 2024
Nymphes présentant la corne d’Abondance à Amalthée, 1688-1689 © RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot
Un ange présentant le portrait de Louis XIV © Rennes, musée des Beaux-Arts / J.-M. Salingue
La Réprobation de Caïn après la mort d’Abel, après 1663 © RMN-G-P (Musée du Louvre)
L'Assomption de la Vierge, vers 1700-1704 © Rennes, Musée des beaux-arts / J.-M. Salingue
Sacrifice à Jupiter, 1679-1680 © Château de Versailles, Dist. RMN / Ch. Fouin
La Nativité, 1667-1668 © Nancy, musée des Beaux-Arts
Le Triomphe de Saturne, vers 1671-1672 © RMN-GP (Château de Versailles) / M. Bellot
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À contrario de son aspect royal et fastueux de la période estivale, le parc et le château revêtent, durant les mois d’hiver, une aura romantique. Le parc se couvre de brume au matin, le givre fige pelouses et bosquets et un timide soleil caresse la façade du château. Versailles l’hiver n’est pas une saison morte comme le montre deux expositions d’importance qu’il nous offre pour venir, pendant les fêtes, voir le meilleur de deux artistes : l’un du Grand Siècle, Noël Coypel, peintre des grands décors, qui a investi le Grand Trianon. Et Horace Vernet, peintre militaire, qui œuvra lui du Premier au Troisième Empire, d’un Napoléon à l’autre (dont nous parlerons dans un prochain article) exposé au château. Deux artistes majeurs, un peu oubliés, certes, et donc à (re)découvrir.
Noël Coypel fut l’un des artistes les plus éminents de son temps et curieusement, de nos jours, un peu oublié dans l’ombre de Charles Le Brun, comme le fait remarquer Catherine Pégard qui dirige l’Établissement public du château : « On s’interroge toujours sur l’effacement des artistes qui ont marqué leur époque de chefs-d’œuvre majeurs qui, pourtant, leur donnent une gloire éternelle », leurrés que nous serions par une œuvre jugée comme trop académique ? Cette exposition, forte de 90 œuvres, le ramène en ce lieu où il fut un prince auprès d’un roi, dans ce Versailles dont il fut le témoin et l’un des embellisseurs tout au long de son édification, contribution majeure de sa renommée. Une vie parallèle, à quelques années près, à celle de son roi.
Une rencontre fortuite
Né à Paris le soir de Noël (d’où son prénom) de 1628, fils unique d’un couple de marchands, c’est à Orléans que son père le place pour un rapide apprentissage aux côtés d’un certain Poncet, un élève de Simon Vouet. Poncet, infirme et malade, pousse le jeune Noël, âgé d’à peine 14 ans, à partir pour Paris. Par hasard, rentrant dans une église, il rencontre un nommé Quillerier, alors que ce dernier y peint l’une des chapelles. Étonné par les questions du jeune homme, Quillerier décide de le prendre comme élève. Le jeune Coypel entre ainsi de plein pied dans le cénacle des peintres parisiens. D’évidence doué, il n’a pas 16 ans que Quillerier le présente à Charles Errard, peintre renommé, en charge des peintures des appartements royaux, et qui va l’initier aux « grands décors ». À 18 ans, Charles Errard le charge de quelques travaux, dont les décors pour l’opéra Orfeo de Luigi Rossi pour le théâtre du Palais Royal ou ceux qui ornent le Parlement de Rennes. Sous la houlette de son mentor, Coypel va développer son art, mais aussi un réseau et consolider son statut.
Dès septembre 1659, il se présente à l’Académie royale de peinture et de sculpture, mais pris par ses nombreuses commandes, il n’honorera sa demande que quatre ans plus tard avec son remarquable et remarqué Réprobation de Caïn après la mort d’Abel.
Jupiter accompagné de la Justice et de la Piété, vers 1673-1676 © RMN-GP (Château de Versailles) / Franck Raux
Son art, tel celui de Le Brun, Mignard, Nicolas de Largillierre ou Poussin, les « stars » de l’époque, s’appuie essentiellement à représenter des scènes bibliques ou tirées de la mythologie. À contrario d’un Nicolas de Largillierre Coypel n’est pas vraiment un portraitiste, bien qu’avec bonheur, on peut voir ici une magnifique évocation de Thomas Chanuet, conseiller à Mâcon, ou un portrait de sa famille qu’il aurait exécuté avec son fils Antoine (1661-1722) formé à ses côtés, et qui sera, à son tour « peintre du roi ». On devra à ce fils doué, la décoration du plafond de la chapelle du château de Versailles !
Fort des leçons tirées aux côtés de Charles Errard, Noël Coypel se voit très vite confier, en début de carrière, la réalisation d’œuvres grandioses, comme celles, dites de May, qui ornaient alors Notre-Dame de Paris ou d’autres commande de « piété privée » comme cette Samaritaine pour la chapelle des Chartreux de Paris.
Apollon vainqueur du serpent Python, 1700-1704 © RMN-GP (Château de Versailles) / Christophe Fouin
Car Noël Coypel ne semble s’épanouir qu’en présence de grandes compositions comme ces paysages – il semble en avoir fait peu – servant surtout à meubler les fonds de ses compositions. Mais il excelle surtout dans l’agencement de l’espace, dans ses compositions, à l’image de ses interprétations des récits de la bible nimbés de nuages et éclairés par des traits de lumière divine (L’Assomption de la Vierge ; La Résurrection du Christ) ou ses scènes mythologiques dans lesquelles ses personnages répondent à une construction des plus étudiées (Hercule domptant Achelöus ; Apollon vainqueur du serpent Python ; Nymphes présentant une corne d’abondance à Amalthée).
Au service du roi et de l’Église
Les paysages, eux, sont à retrouver agrémentant les fonds, souvent accompagnés de décors adaptés de l’Antique (Marsyas jouant de la flûte devant Apollon et Midas ; Vénus et Adonis). Voilà pour la forme.
Comme toujours, rien n’est laissé dans l’ombre en ce qui concerne le fond. Ces scènes sont souvent à décrypter à l’aune des actions politiques du roi ou à glorifier le prestige royal (Un ange présentant le portrait de Louis XIV). Quant aux scènes bibliques, sans équivoque, elles sont frappées au coin de la morale chrétienne (La Vision d’une sainte ; La Justice, entourée de la Tempérance et de la Force, tend la main à la Loyauté tandis que la raison d’État poursuit les vices ; La Pitié soulageant la famine) ou donnent corps à des récits bibliques (La Visitation, La Fuite en Égypte, Jésus et la Samaritaine, L’Adoration des bergers, ou La Nativité) dans une France, fille aînée de l’Église.
Reconnu, adulé et honoré
L’acmé de sa carrière sera la maîtrise des grands décors qu’il acquiert, comme dit, en accompagnant Charles Errard, son maître dès 1647, sur les chantiers de ce dernier. En 1656, soit après une décennie auprès de Charles Errard, il obtient son agrément à l’Académie, et peut donc voler de ses propres ailes. Cependant, la parenthèse Errard ne sera jamais fermée puisque, l’élève dépassant le maître, Coypel veillera à toujours avoir à ses côtés, lors de l’élaboration des grands décors royaux, celui à qui il doit tant. Reconnu et honoré, il est nommé en 1673, Directeur de l’Académie de France à Rome. Il y restera deux ans, accompagné par son fils Antoine. Charles Errard lui succédera à ce poste prestigieux.
De retour à Paris, il reprend le pinceau pour honorer les commandes royales pour Versailles. On lui doit, entre autres, les peintures du plafond du Salon de Saturne et ceux de la chambre de la reine. Il reprend aussi les cours qu’il dispense à l’Académie. Il est nommé en août 1695 à la direction de l’Académie royale de Peinture, mais n’en continue pas moins à œuvrer. En 1705, à l’âge de 77 ans, il entreprend des peintures à fresque du dôme des Invalides. Il ne sortit pas indemne de cette ultime commande. Son âge aidant, ce dernier effort lui coûtera la vie. Il s’éteint le 24 décembre 1707… Un jour avant l’anniversaire de ses 78 ans.
Château de Versailles, Place d’Armes, 78000 Versailles
À voir jusqu’au 28 janvier 2024
Ouvert tous les jours sauf le lundi, de 9h à 17h30 (fermeture des caisses à 17h50).
L’exposition se tient au Grand Trianon ouvert de 12h à 18h30 (fermeture des caisses à 17h50).
Accès
RER C arrive en gare de Versailles Château Rive Gauche, 10 minutes à pied pour se rendre au Château.
Train depuis la gare de Paris Montparnasse, les trains SNCF arrivent en gare de Versailles Chantiers, 18 minutes à pied pour se rendre au Château.
Train depuis la gare de Paris Saint Lazare, les trains SNCF arrivent en gare de Versailles Rive Droite, 17 minutes à pied pour se rendre au Château.
Site de l’exposition : ici
Catalogue
Noël Coypel, peintre du roi
Sous la direction de Guillaume Kazerouni et de Béatrice Sarrazin, assistés de Benjamin Salama
Coédition : château de Versailles – musée des Beaux-Arts de Rennes – Snoeck
352 pages, 200 ill. env., 39,90 €