Dans ce musée de l’Orangerie qui conserve les Nymphéas, ces « grandes décoratifs » due à Claude Monet, se trouve surtout la collection héritée du marchand Paul Guillaume (1891-1934). Une conservation qui justifie largement cet hommage au marchand qui lui fut rendu ici, en l’évoquant au travers de son « poulain » le plus célèbre : Modigliani (1884-1920).
Deux ouvrages viennent soutenir cet hommage, l’un des rares rendus à un marchand d’art. Le premier est le catalogue de l’exposition qui s’est tenue l’an dernier ici et l’autre est une passionnante biographie qui vient nous raconter sa vie et aussi celle du marché de l’art dans la première moitié du siècle passé. Paul Guillaume, comme Vollard, Durand-Ruel, Rosenberg, Bucher ou Kahnweiler, est l’un de ces marchands emblématiques du début du XXe siècle sans qui, la vie et l’œuvre de nombreux artistes n’auraient pas eu la trajectoire qu’on leur connaît. Ces galéristes fascinent à dénicher des artistes, souvent en avance sur le regard de leur temps, et qu’eux, par un don de clairvoyance, ont su comprendre leur importance et leur donner la place qui leur revient dans la grande histoire (et le commerce) de leur art.
L’exposition, dont cet ouvrage est le catalogue, a donc associé, presque à part égale, l’artiste et son marchand. On a coutume de dire qu’il n’y a pas de grands artistes sans grand marchand. Là où le catalogue prend toute son importance c’est qu’il va disséquer ce rapport, nous parler du temps, de ce marché qui acquiert alors sa modernité et percer à jour les rouages de ce duo lié… Mais pas toujours pour les mêmes raisons. Un rapport d’interdépendance qui s’est surtout développé dans la seconde moitié du XIXe siècle lorsque le marché s’est étoffé avec le début des dynasties de « grands » marchands.
Modigliani, un peintre et son marchand
Sous la direction de Simonetta Fraquelli et Cécile Girardeau
Co-éditions Musée de l’Orangerie — Flammarion
168 pages. 35 €
Autre ouvrage consacré à Paul Guillaume, cette biographie, qui tombe à point, offre une complémentarité au catalogue de l’Orangerie. Si la vie, brève, de Modigliani est bien documentée, celle de Paul Guillaume, elle, reste peu connue. De ses premières présentations d’art africain dans un… garage à Montmartre, sa rencontre décisive avec Guillaume Apollinaire puis son installation dans sa galerie où il devient le marchand des pointures de l’École de Paris avec Soutine, Picasso, Matisse, van Dongen, Chirico et Modigliani entre autres. On suit ses pérégrinations dans le tout Paris des arts et des lettres, ses rapports avec les plus grands artistes de son temps, sa rencontre avec le milliardaire et collectionneur américain Alfred Barnes, dont il fut la cheville ouvrière de sa collection. Et enfin, la constitution de sa propre collection qui fait aujourd’hui la renommée du Musée de l’Orangerie.
On regrettera toutefois que l’ouvrage dise peu (seulement deux pages) sur le devenir de sa collection à son décès. Mais c’est là une autre histoire que cette « affaire Lacaze », un imbroglio suite à l’héritage du marchand, et du comportement de sa veuve pour le capter alors qu’il était destiné, par testament, à la création d’une fondation. On pourra donc compléter cette biographie de Paul Guillaume par l’excellent ouvrage, digne d’un polar, de Christine Clerc : Domenica la diabolique (Éditions de l’Observatoire).
Paul Guillaume, marchand d’art et collectionneur
Par Sylphide de Daranyi
Co-éditions Musée de l’Orangerie — Flammarion
288 pages. 26 €