L’Anglaise Bernadette Murphy cultive une marotte, on pourrait même dire une obsession : Vincent Van Gogh. Plus particulièrement sa courte période arlésienne. Installée en Provence depuis des lustres, notre anglaise s’est collée comme mission d’éplucher la vie du Hollandais dans les 13 mois (de février 1888 à mars 1889) qu’il passa à Arles avant de rejoindre l’asile d’aliénés de Saint-Rémy-de-Provence. Période phare pour son art, mais agitée dans sa vie ! Dans un premier opus, paru fin 2017, elle avait, telle une détective, réuni un dossier très précis pour faire toute la lumière sur cette fameuse nuit du 23 décembre 1888 au cours de laquelle le peintre s’était tranché l’oreille. Pourquoi ? Pour qui ? À cause de quoi ? il lui avait fallu sept ans pour reconstituer les tenants et les aboutissants de ce geste, l’un des plus connus de la courte vie de Van Gogh. Maintenant on connait tout de ce moment de folie.
Loin d’être un pensum indigeste pour spécialiste, c’est d’une plume alerte qu’elle nous avait raconté cet épisode, frôlant par moment le polar et ressuscitant tout un monde oublié de la cité méridionale avec ses cafés, son bordel, ses habitants et ses notables.
12 portraits en quête de vie
Et la voilà repartie sur le terrain pour nous livrer aujourd’hui une autre vision du séjour arlésien du peintre ! Donc, même époque, même lieu, même protagoniste principal et autour, on retrouve arlésiennes et arlésiens, cafés, restaurants, nous faisant revivre l’Arles de la fin du XIXe siècle. Le nouveau sujet : l’histoire de douze portraits emblématiques du peintre. Pour chacun, notre miss Marple va de nouveaux fouiller partout, fureter dans les registres communaux, les horaires de chemin de fer d’alors, éplucher les arbres généalogiques, se plonger dans la correspondance du peintre et de celle de ses proches, consulter les cadastres, chercher dans les vieilles photos et les cartes postales à retrouver l’air et l’esprit de ce village d’alors.
Quel travail, quels efforts, quel acharnement, obstination et détermination pour faire surgir la vérité ! Face à ces 12 portraits, ce « rapport d’enquête » (sous-titre de son premier ouvrage) nous dévoile une partie de la vie quotidienne de la cité. Car ces douze personnages, qui étaient-ils ? Comment Van Gogh les a-t-il connus, quelle était leur vie, leurs relations, leurs rapports avec le peintre ? Et où se trouve est exactement le « café de Van Gogh » ?
Sortir de l’anonymat
Si Marie Ginoux ou Joseph et Camille Roulin sont connus, qu’en est-il du mystérieux fumeur, de ce bébé bien rose, de cette mousmée, de ce jeune homme à la casquette et d’autres ? Seul un titre sibyllin, donné à l’œuvre, n’en dit pas plus de leur existence. Devant cette montagne à gravir, Bernadette Murphy s’est attelée à la tâche et pour chacun, elle nous raconte son parcours du combattant pour redonner, 130 ans après, un nom à ces visages. De ce labyrinthe à explorer va sortir toute une humanité, ressusciter des existences, redonner vie à ces anonymes.
Comme son premier ouvrage, ce nouveau est tout aussi palpitant à lire, à suivre les enquêtes et déductions de la plus intrépide fan du peintre hollandais, échoué là une froide journée de février 1888, en quête de bonheur et de soleil.
Le Café de Van Gogh par Bernadette Murphy
Éditions Actes Sud
304 pages, 80 ill. env. 25 €
Pour rappel
L’Oreille de Van Gogh par Bernadette Murphy
Rapport d’enquête
Éditions Actes Sud
400 pages, 24,80 €