DENNIS MORRIS. MUSIC + LIFE

La MEP, qui nous propose en ce moment la première rétrospective en France de Dennis Morris, met en lumière ce photographe britannique d’origine jamaïcaine encore assez méconnu en France. Et pourtant, il se révèle comme une figure importante de la mise en lumière d’une certaine scène musicale de la seconde moitié du XXe siècle. Cet ouvrage d’un beau format, qui est le catalogue de l’accrochage de la MEP, nous plonge dans la vie de ce gamin qui, grâce à la bonne fée reggae, l’a mis sur la route d’un certain Bob Marley, alors peu connu, venu à Londres dans un club pour un concert.

« En rencontrant Bob, j’ai réalisé un souhait ! »

Dès lors et suite à une image mythique de la star rasta, Dennis va devenir de suite proche du chanteur et, alors que Dennis n’a que 16 ans, il l’embarque avec lui dans sa tournée anglaise. Une amitié est née et restera soudée jusqu’à la mort du chanteur. Dès lors, toute la scène de ces années-là, passera devant son objectif. De la scène reggae, black aux Sex Pistols qui rendirent rugueuse la scène londonienne avec leur irrévérence et leur « nihilisme obstiné et autodestructeur » comme le note Sean O’Hagan qui signe un très beau texte en ouverture de l’ouvrage. Mais il ne se contentait pas seulement de portraiturer les chanteurs et les groupes, mais il faisait des pas de côté, afin de les surprendre dans une autre intimité : bus de tournées, studios d’enregistrements, chambres d’hôtels et naturellement lors de concerts.

« Un photographe noir, ça n’existe pas »

C’est le conseil, donné par un conseiller d’éducation au jeune Dennis, ce dernier lui faisant part de son envie d’être photographe. Conseil qui va l’enraciner encore plus dans cette volonté. Ses premiers essais ouvrent l’ouvrage. Car avant de devenir le photographe de la planète raggamuffin et punk, il va porter son regard sur sa communauté et les communautés noires, indiennes et pakistanaises qui l’entourent. Sa vision humaniste va documenter la pauvreté et le racisme ambiant auxquels sont confrontés ces communautés. L’ouvrage fait la part belle à cet autre et importante facette de son travail.
Les photos sont agrémentées de nombreuses interventions de Dennis Morris lui-même qui, fouillant dans sa mémoire, nous plonge, au travers de nombreuses anecdotes, sur ses rencontres et son travail. Les gardes de l’ouvrage, enfin, montrent aussi son travail de graphisme et de designer avec les nombreuses pochettes de disque que son œil affuté a mises en scène.  
« Morris a transformé notre compréhension de la musique en tant que forme culturelle complexe et profonde, liée à l’art, à la mode, au design et aux relations publiques. » écrit en préambule Simon Baker qui dirige la MEP. Un magnifique ouvrage et indispensable sur l’un des plus accomplis et touchants témoins d’une époque aujourd’hui révolue. Une époque où l’on s’extasiait sur des artistes qui refaisaient le monde à l’aune de leurs rêves.