Les expositions ont, comme avantage collatéral, de nous amener des publications qui, sans elles, n’auraient jamais vu le jour. Prenons le cas d’Horace Vernet (1789-1863), dont la magnifique exposition se termine au château de Versailles, sans elle, nous serions restés orphelins d’un ouvrage sur ce peintre d’importance. Car hormis une publication de quelques dizaines de pages, parue au début du siècle dernier, il n’existe aucun ouvrage qui se soit attelé à une étude en profondeur sur ce peintre aventurier, romantique à qui l’on doit de magnifiques fresques entre peinture de guerre et orientalisme. Cet ouvrage est non seulement le seul consacré à Horace Vernet, mais surtout, il apporte un regard neuf sur cette œuvre aujourd’hui controversée. Il est aussi le seul à nous raconter sa vie emblématique des artistes de son temps entre contestation et apologie.
Et enfin, c’est un oubli d’autant plus étonnant quand on apprend ici qu’il fut un des artistes les plus en vue au XIXe siècle, dernier descendant d’une famille de peintres. Son grand-père, Claude Joseph Vernet, suivit les règnes de Louis XV et Louis XVI pour disparaître l’année de la naissance de son petit-fils. Son fils, Carle Vernet, passionné par les chevaux (l’un de ses élèves fut Théodore Géricaut qui deviendra ami avec Horace), sera peintre militaire, dont Napoléon Ier appréciait le talent jusqu’à l’emmener sur certains champs de bataille. Horace, enfin, avait donc de qui tenir et mit ses pas dans ceux de son père en recevant, de celui-ci, ses premières leçons. Il commence sa riche carrière à la fin de règne de Napoléon et devient le peintre favori de Louis-Philippe. S’il aborda tous les genres du portrait au paysage en passant même par… la gravure de mode, c’est en tant que peintre d’Histoire qu’il fut célébré, membre d’une trentaine d’académies et fut reçu dans beaucoup de cours européennes.
Un peintre d’État
Mais c’est surtout dans sa relation des événements qu’il (dé)peint que l’on ressent toute son application à faire du spectateur de ses œuvres le témoin direct de ce qu’il a vu, un peu comme un reporter de guerre de nos jours… événements qu’il aurait aussi retranscrit par ouï-dire et documentation. La part la plus connue de son art sublime une armée coloniale en marche et si on a coutume de dire que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire, nul autre, mieux que lui, a délivré, au travers de ses œuvres, des images correspondant à la politique gouvernementale… Information… désinformation… dilemme éternel. Quoi qu’il en soit, dans la forme, on ne peut qu’être ébahi devant sa maitrise picturale qui, telle celle d’un Gérôme ou d’un Messonier, ne peut que ravir le reste d’enfant qui sommeille en nous lorsque, petit (je parle d’un temps que les moins de 40 ans…) nous regardions évoluer nos soldats de plomb.
Il fut, ces dernières années, ostracisé (au point que ses décors pour les salles d’Afrique du Château de Versailles furent cachés au public) dans notre époque qui regarde – et juge – le passé à l’aune de notre temps, reconnaissons que l’exposition au château de Versailles, et cet ouvrage monumental sur sa vie et son parcours, permettent de replacer en son temps un artiste qui a documenté un pan important de notre Histoire. Son œuvre a construit un imaginaire que les historiens et les historiens de l’art s’attachent, ici, à décrypter.
« Vernet était plus qu’un peintre célèbre, écrit Alexandre Dumas dans ses Mémoires, c’était une chose nationale ! »
Horace Vernet (1789-1863)
Sous la direction de Valérie Bajou, conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Éditions Faton
448 pages. 300 ill. 54 €