L’imposant catalogue qui accompagne l’exposition Basquiat / Warhol à la Fondation Louis Vuitton nous plonge non seulement dans cette aventure artistique, mais nous entraîne dans le New York des années 80 et donne la parole à tous les témoins de cette période de folie, de création et de grâce.
L’une des pages dépliantes du catalogue. Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, African Masks, vers 1984 © The Estate of Jean-Michel Basquiat Licensed by Artestar, New York. / The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / Licensed by ADAGP, Paris 2023 / Édition Fondation Louis Vuitton / Gallimard
Il est des catalogues qui ne sont que le reflet d’une exposition, un vade-mecum, un guide pour aller plus loin, suivre l’accrochage et en savoir plus. C’est leur fonction. Il en est d’autres qui vont plus loin, éclairant un mouvement, des protagonistes, leur donnant la parole, reflétant une époque, un lieu, des courants de pensée. Ceux-là vont donc au-delà de leur « simple » fonction de guide. C’est le cas de celui qui accompagne l’importante exposition à la Fondation Louis Vuitton consacrée à la collaboration de Warhol et Basquiat dans leurs œuvres à quatre mains, et à six si on y associe celles de Francesco Clemente qui fit un bout de chemin avec eux. (Lire notre article)
Déjà la forme. À exposition d’importance, catalogue à la hauteur. La fondation nous a habitué, depuis quelques années déjà, à la magnificence de ses éditions (cf. ceux accompagnant les expositions des collections Chtchoukine et Morozov). Dans ce nouvel opus, toujours associé à Gallimard, le catalogue ne démérite pas : tout y concourt : taille, dépliants présentant les œuvres qui, de par leur forme et leur ampleur, nécessitent ces pages, textes dus à un aréopage de spécialistes qui, sans être par trop doctes ou abscons, nous permettent de plonger dans ce maelström new-yorkais qui signa une époque charnière autant que folle. Et fait aussi appel à tous les témoins de cette aventure qui signe ces années-là.
Les contributeurs appelés ne laissent rien dans l’ombre de la complicité artistique, de l’étude des œuvres, de l’effervescence de la scène artistique du downtown new-yorkais des années 80 ou un nouveau chapitre sur l’art naissait et emballait son commerce d’alors. Une dernière partie ouvre notre regard et complète le portrait du NY d’alors. On y croise Madonna, Keith Haring, Kenny Scharf, A-One, Futura 2000 et l’on nous entraîne à la Factory, au Studio 54, les fêtes et dans les ateliers des maîtres de la scène art du New York d’alors.
Ajoutées les reproductions en bonne taille (d’où le format choisi) qui permettent une véritable plongée visuelle dans les œuvres, surtout celles de Basquiat, avec leur écrits, leurs détails, leurs graffitis méritant la place qui leur est faite.
Mais là où se situe aussi tout l’intérêt de l’ouvrage c’est dans les interviews et interventions des acteurs de cette tranche de vie artistique. Les auteurs ont fait appel au galériste suisse Bruno Bischofberger, qui mit en œuvre cette rencontre. Il retrace, pas à pas, sa rencontre avec Warhol puis Basquiat, les belles heures de la Factory, l’organisation des expositions et surtout trace les portraits de ce microcosme nous les faisant revivre d’une façon des plus réalistes. Conviée aussi à nous raconter cette histoire, Paige Powell photographe qui, à l’époque, présidait la rédaction d’Interview le magazine initié par Warhol. Son regard nous ouvre les portes des galeries, des dîners et autres sorties avec Warhol, Basquiat et toute la faune qui tournait autour d’eux. Une parole importante, rare, qui teinte ces années-là d’une couleur fascinante. Francesco Clemente apporte sa voix à l’édifice, acteur in et out du trio Bischofberger, Warhol et Basquiat. On y croise aussi Michael Halsband, le photographe du « combat de boxe » qui se souvient du couple Warhol / Basquiat, une relation qui s’est plus intimement dévoilée pendant sa prise de vue devenue mythique.
Jay Shriver, aussi est de la partie. Assistant de Warhol et grand « MC » de la Factory, il vient nous abreuver d’anecdotes peu connues. La parole est aussi donnée à Tony Shafrazi qui exposa à NY les peintures de cette collaboration et vient nous parler de
Couverture du catalogue
l’accueil que reçu cette présentation. Et enfin, on découvre un Jean-Michel Basquiat intime grâce au témoignage de ses deux sœurs, Lisane et Jeannine, qui dresse un touchant portrait d’un frère parti trop tôt. Ajouté à cela, des cartes de New York poussant le souci d’exhaustivité jusqu’à pointer tous les endroits – logements, ateliers, galeries, clubs, etc – fréquentés par les protagonistes de cette tranche d’histoire. Des cartes qui pousseraient à effectuer un pèlerinage ! On y trouve naturellement des dizaines de photos, dont beaucoup semblent inédites, nous font pénétrer par l’image dans ce monde entre création, fêtes et complicité, avec tous les acteurs de cette étonnante comme folle aventure !
On l’a compris, cet ouvrage qui porte au plus loin l’histoire courte de cette rencontre approche au plus près les arcanes de ce moment de grâce ou se rencontrèrent deux des plus importants artistes de la scène américaine des 80s. Un ouvrage appelé à devenir d’évidence des plus recherchés.
Basquiat x Warhol, à quatre mains
Co-édition Fondation Louis Vuitton / Gallimard
Sous la direction de Dieter Buchhart et Anna Karina Hofbauer
Préface de Suzanne Pagé
Auteurs : Jessica Beck, Bruno Bischofberger, Dieter Buchhart, Gwendolyn DuBois Shaw, Valentina Frutig, Keith Haring, Carlo McCormick, Olivier Michelon, Jordana Moore Saggese, avec les participations de Lisane Basquiat, Francesco Clemente, Michael Halsband, Jeanine Heriveaux et Sophia Loren Heriveaux, Anna Karina Hofbauer, Paige Powell, Nick Rhodes, Antonio Rosa de Pauli, Tony Shafrazi et Jay Shriver.
320 pages 400 ill. environ et 6 dépliants. 49,90 €